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dimanche 2 octobre 2011

Les difficultés de l'accès au droit pour les patients sous contrainte psychiatrique. (Intervention à un colloque de l'Ecole des avocats du barreau de Versailles sous la direction de la cour d'appel de Versailles, le 30 septembre 2011)

 Paris, le 28 septembre 2011.     Voir aussi : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/167

Titre : LES DIFFICULTES DE L’ACCES AU DROIT POUR LES PATIENTS SOUS CONTRAINTE PSYCHIATRIQUE.
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- Intervention d’André Bitton, pour le CRPA (prise en tant qu’association d’usagers en psychiatrie), au colloque de l’HEDAC (Haute école des avocats conseils de la Cour d’appel de Versailles), le vendredi 30 septembre 2011, sous la direction de la Cour d’appel de Versailles, sur « La réforme du contrôle des soins psychiatriques sans consentement ».

-          Voir texte de présentation du CRPA, en dernière page du présent article.
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1°) Un tableau d’ensemble désastreux :

   Soulignons d’emblée que l’exercice de quelconques voies de recours pour des personnes tenues sous contrainte psychiatrique, enfermées et placées sous l’effet de traitements neuroleptiques et d’ autres traitements psychiatriques puissants, est quasi impossible (Voir l’effet des traitements neuroleptiques !).

  Nous renvoyons également au défaut quasi total d’information par les hôpitaux et les services psychiatriques sur la possibilité de saisir un avocat sur liste d’avocats de permanence.  Mais également en parallèle au défaut évident de formation et d’information des avocats sur ce contentieux précis qui, il y a peu, était une terre inconnue.

  Voir également l’absence totale d’information des internés sur leur possibilité de désigner dans leur proximité une personne de confiance. L’absence sur place d’associations spécialisées dans la défense des droits fondamentaux des personnes.

  Les seules associations d’usagers autorisées actuellement dans les établissements psychiatriques, sont triées sur le volet par l’administration préfectorale et hospitalière au niveau des agréments et des admissions à siéger dans les établissements, pour leur servilité, leur absence de compétence et de pratique juridiques. De telles compétences étant immédiatement assimilées à une entreprise de subversion par les directions des hôpitaux et les préfectures ( actuellement les Agences Régionales de Santé, ARS), qui font les agréments des associations autorisées. Au surplus, la position (et le poids) de l’UNAFAM (Union nationale des familles de handicapés psychiques) verrouillent l’ensemble : cette organisation de parents de patients psychiques étant en même temps et demandeuse de soins contraints et de mesures d’enfermement, et présente comme association conseil d’usagers, tout en étant dans le pays un des principaux lobbies favorable à une contrainte aux soins psychiatrique généralisée … Les associations d’usagers à proprement parler, et donc de patients psychiques, sont, pour ce qui les concerne, tolérées sous condition d’être dans cette ligne d’ensemble, et de favoriser la compliance aux soins (compliance = acceptation) et donc l’absence de contestation des mesures de contrainte psychiatriques.

  Voir cet exemple qui, malheureusement, illustre fort bien notre propos, qu’est la FNAPSY (Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie) qui est agréée, et admise dans les établissements, précisément parce que cette fédération agit stratégiquement dans le sillage de l’UNAFAM, est consensuelle, et ne manie pas le droit. Cette fédération a même en son temps, sanctionné par exclusion en son sein, des éléments qui tentaient d’avoir une quelconque pratique juridique dans leur représentation des usagers. Voir cette affaire de la présidence de la CDHP (Commission Départementale des Hospitalisations Psychiatriques) du Val de Marne, en 2009-2010 par quelqu’un qui bougeait un peu trop sur le plan juridique ce que refusait expressément la présidente de cette fédération, et quelques autres affaires qui ont fini par provoquer un audit au long cours de l’IGAS actuellement en cours de conclusion. Notons sur notre chapitre que la FNAPSY, là où elle est présente dans les établissements psychiatriques - et ce d’ailleurs conjointement à l’UNAFAM (Union Nationale des Familles de handicapés psychiques) - n’informe pas les patients contraints de leurs droits et voies de recours effectifs. Les représentants de cette fédération de patients ne connaissent généralement pas ces droits et voies de recours. Ces questions étant pour eux inintéressantes, en regard du strapontin qui leur est confié dans les Conseils de surveillance des hôpitaux, en représentation collégiale avec des notables, ce qui, à soi seul, légitime leur silence des plus complets dans le domaine … En l’espèce ce domaine est celui de la violation coutumière dans les enceintes psychiatriques des droits des patients.

   Au plan diagnostic, les institutionnels de la psychiatrie, et les soignants inscrits dans les diverses écoles qui dominent le terrain, considèrent que l’appel au droit, comme l’usage du droit, sont autant de symptômes psychotiques paranoïaques. Ces symptômes se traitant classiquement par neuroleptiques … Personnellement, dans mes principales consultations des années 90, à chaque fois que j’ai fait valoir qu’en ce qui me concerne mes droits avaient été floués dans le cadre d’ un internement illégal et de pratiques également illégales, mais également que j’avais des instances en cours contre l’Etat et le CHS de secteur, il m’a été opposé par les soignants en face de moi, le classique exemple du cas clinique qu’avait traité Sigmund Freud, au titre de la paranoïa : le président Schreiber, qui avait été un des patients de S. Freud, et qui était un ancien président de juridiction atteint d’un délire de persécution …Il était donc impossible que je puisse valablement me plaindre de quelconques violations de droit, puisque j’étais un malade mental. Cette seule considération mettant par terre d’emblée, et par préalable absolu, toute contestation de ma part d’une quelconque violation de mes droits …  

On voit donc ainsi que l’accès au droit et aux voies de recours pour les patients contraints en psychiatrie est d’autant plus malaisé, voire rendu impraticable par les équipes de soins elles mêmes, que cet accès est considéré comme incompatible avec les « soins », et incompatible avec un fonctionnement usuel d’un service psychiatrique standard gérant des internements et des mesures de contrainte aux soins psychiatriques. L’opposition classique des équipes, mais aussi de leur administration, pouvant se résumer par la formule : « Qu’importent les droits, les soins sont la priorité ». On ne peut soigner en psychiatrie, selon cette vue dominante en la matière, qu’en violant les droits fondamentaux des patients, ou tout au moins en mettant de côté cette question, dans la mesure où la logique des soins, c'est-à-dire des traitements de force, doit prévaloir sur de quelconques considérations de droit.

Dans de pareilles conditions, les violations du droit sont, usuellement et historiquement dans le domaine psychiatrique, une sorte de règle, un « droit » coutumier séculaire. Quant à une clinique psychiatrique qui serait fondée sur le droit, c’est, en France, quelque chose de récent, et d’inhabituel. Il n’est d’ailleurs pas étonnant non plus que l’irruption du monde judiciaire et de sa nécessité dans la contrainte psychiatrique, depuis la décision historique du Conseil Constitutionnel du 26 novembre 2010 sur QPC, ait mis en état de panique pendant quelques mois le Gouvernement comme également la communauté des soignants, et des administrations concernées. Car c’est bel et bien d’un état de panique qu’il faut parler. Avec une forte mobilisation pour, d’une part contourner l’impact de cette décision du Conseil Constitutionnel par des dispositions législatives permettant d’amples contournements (voir loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement), puis par des consignes de directions d’établissements, et de CME (Commissions médicales d’établissements), aux équipes des hôpitaux, de sorte à neutraliser cette intrusion du monde judiciaire dans ce « droit » coutumier psychiatrique, lequel est en fait une zone de non droit habituelle, usuellement non sanctionnée, selon un consensus désormais révolu vu les progrès du droit et de la jurisprudence. Ces consignes de neutralisation venant des directions d’établissement et des CME, reposent bien évidemment sur la règle du maintien d’une absence ou d’ une quasi absence d’informations sur leurs droits aux patients tenus sous contrainte. Tout juste opère-t-on négligemment quelques notifications de mesures de contrainte, mais c’est en général pour laisser la personne internée ou contrainte aux soins dans l’ignorance de la portée pratique des indications mentionnées dans ces notifications, comme d’ailleurs sur les voies et moyens pour faire aboutir ces voies de recours éventuellement indiquées dans les notifications.

  Mais quoiqu’il en soit, essayez donc d’exercer de quelconques recours en étant abrutis et réduits à l’état d’une sorte de légume ambulant, sous la puissance des traitements psychiatriques administrés aux doses hospitalières …

2°) L’entrée en application de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge :

  Nous manquons de recul pour donner un point de vue utile sur la réforme du 5 juillet dernier entrée en application le 1er août 2011. Mais d’ores et déjà, nous pouvons dire que des directions de sites psychiatriques de la région parisienne ont donné consigne à leurs équipes d’ éviter d’informer les patients contraints de l’effectivité de leurs droits, et en priorité de tenir sous silence le fait que des permanences d’avocats se sont mises sur pieds en parallèle des audiences de quinzaine (ou de 6 mois) devant les Juges des libertés et de la détention. Si bien que certains avocats ont pu noter que les patients internés qui passaient aux audiences qu’ils avaient eu à connaître, n’avaient pas l’air au courant de leur possibilité d’accéder aux compétences d’un avocat …

  Ou bien encore, certaines personnes qui étaient en sorties d’essai, ont été basculées sous programmes de soins sans consentement sans recevoir d’information spécifique sur ce basculement. Ces mêmes personnes apprenant de façon fortuite, par une démarche administrative qu’elles sont actuellement sous programmes de soins et donc sous contrainte, sans en avoir été au préalable informées.

  Ou bien même certains patients contraints sont envoyés aux audiences obligatoires des  Juges des libertés et de la détention, sans qu’une information ne leur soit délivrée sur le rôle de ce juge. Si bien qu’ils angoissent littéralement protestant qu’ils n’ont rien fait, qu’ils sont innocents … etc. Les équipes psychiatriques profitant de leur non information, pour leur laisser à penser qu’en fait il s’agit d’une audience de type pénale, où ils sont incriminés …  
Enfin un établissement hautement sécurisé d’Ile de France, a, pour sa part, décidé, de refuser de mobiliser quelque équipe que ce soit pour l’accompagnement des patients aux audiences, incitant ses praticiens à rédiger les certificats médicaux subséquents de sorte qu’il y ait un prétexte médical à l’absence d’audience devant les Juges des libertés et de la détention. Cela alors même que ces certificats médicaux d’incapacité des patients à leur comparution, couvrent en fait des convenances de service, et sont, de facto, des certificats de complaisance … 

  Actuellement et fréquemment nous en sommes rendus à ce genre de tableau lequel ne manque pas d’être  scandaleux. Certes, la situation n’est pas identique d’un établissement à l’autre, mais ces aberrations sont néanmoins à relever, et à dénoncer, pour autant que cela puisse avoir une quelconque utilité.

3°) La loi du 27 juin 1990 sur l’hospitalisation psychiatrique. La nouveauté de l’article L. 3211-3 du Code de la santé publique, et sa non application.

  La loi du 27 juin 1990 avait pour propos, et d’amorcer une légalisation de la contrainte aux soins ambulatoire (voir la légalisation des sorties d’essai qui n’étaient régies auparavant que par une circulaire ministérielle), et de donner un certain nombre de droits élémentaires aux patients contraints en correspondance avec un début d’essor de la jurisprudence sur le terrain de l’internement psychiatrique. Cette loi a organisé, pour la première fois en France, l’obligation d’information des patients contraints sur leur situation juridique et sur leurs droits. Nous parlons ici de l’article L.3211-3 du code de la santé publique (ancien article L. 326-3 du même code). Cet article affirme l’obligation d’informer les patients contraints sur leur situation juridique et sur leurs droits selon des modalités pouvant connaître des restrictions médicales, mais sans que le principe de cette information puisse être remis en cause. Ce même article dresse une liste des droits incompressibles des patients contraints, dont le droit de libre correspondance, et celui de prendre conseil d’un médecin ou d’un avocat de son choix. Toutefois cette énonciation des droits des patients contraints et de l’obligation d’information qui pèse d’ailleurs sur l’hôpital et donc sur les équipes, n’est assortie d’aucune sanction en cas de manquement. On a pu noter que ce simple énoncé manquait d’effectivité. Les hôpitaux psychiatriques ont en général superbement ignoré ces énoncés de l’article L 3211-3. Néanmoins il revient au Législateur de la loi du 27 juin 1990, d’avoir affirmé, pour la première fois, le principe de cette obligation d’information des patients psychiatriques sous contrainte en droit interne. Cette affirmation correspondait pour l’époque à une traduction en droit interne de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.  

 Parmi les droits affirmés dans l’article L 3211-3 du CSP on trouve celui de correspondre librement et d’accéder aux conseils d’un médecin ou d’un avocat de son choix. La jurisprudence s’est développée ces dernières années en regard de l’accès des internés à la possibilité d’un avocat. Notez bien qu’il ne s’agit pas encore d’une problématique de l’accès en tant que tel à l’avocat, mais de celle de l’information sur l’accès à un avocat. Ce qui n’est pas la même chose.  

Voir à ce sujet un arrêt du Conseil d’Etat du 20 novembre 2009 (Préfecture de police C/ Groupe Information Asiles) sur la modification de la charte d’accueil de l’Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris de sorte qu’elle inclue le droit d’ accès à un avocat de son choix, dans le cadre des mesures provisoires. Soit dans les 48 h préalables à la prise d’un arrêté préfectoral d’hospitalisation d’office. Références :  C.E n°313598, mentionné aux tables du recueil Lebon.

Voir aussi la décision très innovante du Tribunal administratif de Melun du 21 février 2008, dans l’affaire Th. J. C/ CH Paul Guiraud Villejuif (aff. n° 0709094/2 et 0709672/2), reprise tout récemment par le Tribunal administratif de Pau le 1er juin dernier (affaire pendante en appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux), aff. G. M. C/ CH des Landes n°0901722-1. Ces deux jugements ont annulé une admission en HDT (Hospitalisation à la demande d’un tiers), au motif que l’hôpital ne rapportait pas la preuve d’avoir informé les deux requérants de leur droit d’accès à un avocat de leur choix préalablement à l’exécution de la mesure d’hospitalisation contrainte. L’innovation qu’amènent ces deux décisions de deux T.A différents – celle du T.A de Melun étant définitive car non frappée d’appel – est que depuis un arrêt du Conseil d’Etat dans l’affaire E.A. n°151068 (citée aux tables du Recueil Lebon) du 28 juillet 2000, le défaut d’information d’un patient interné sur ses droits était considéré comme une faute dans l’exécution de la mesure, relevant en tant que telle d’une sanction indemnitaire de la compétence du juge judiciaire, et non pas d’un manquement affectant la mesure d’illégalité de droit externe telle qu’une annulation de la mesure soit emportée devant ce juge de l’excès de pouvoir qu’est le juge administratif. L’arrêt E.A. du Conseil d’Etat du 28 juillet 2000 avait d’ailleurs mis un coup d’arrêt à des annulations d’arrêtés de placement d’office prises par des tribunaux administratifs pour défaut de notification de ces mesures. Voir sur ce point les affaires M. G. T.A de Dijon, 5 janvier 1993, req. n°88944 et 88953, et T.A de Paris, 5 janvier 1994, Aff. S. N. Req. n°8905749/4, 8905750/4 et 8905751/4. On observera que les affaires concernées par ces dernières jurisprudences s’étaient nouées dans les dernières années d’application de la loi du 30 juin 1838.

 Quant aux notifications des mesures accompagnées des voies de recours, les développements de la jurisprudence ont provoqué que, depuis la fin des années 90, les administrations hospitalières en lien avec les préfectures, notifient de plus en plus souvent les mesures d’hospitalisation d’office. Mais, effet pervers majeur, les patients contraints se sont trouvés face, par exemple, à des indications de voies de recours non hiérarchisées qui provoquent que certains comprennent qu’ils peuvent indifféremment demander leur mainlevée ou le constat du caractère abusif de leur internement, au Préfet, à la CDHP (Commission Départementale des Hospitalisations Psychiatriques) où trônent un psychiatre hospitalier ou un représentant de l’UNAFAM qui vont répondre aux patients contraints correspondants que tout est parfait et qu’ils doivent surtout accepter leurs soins, patienter et se taire. Cela quand il y a réponse. Car il est fréquent qu’il n’y ait pas de réponses des CDHP …Il s’agira encore de la saisine par un interné qui l’aura vu dans une notification des voies de recours non explicitée, du tribunal administratif, lequel n’est en rien compétent sur le bien ou le mal fondé des internements, comme d’ailleurs pour ordonner la sortie. Les requérants spontanés se retrouvant dés lors devant des ordonnances de débouté pour incompétence susceptibles de clore définitivement leurs possibilités de recours… Voir par exemple la théorie de la connaissance acquise !

  Il s’agit d’ailleurs bien ici de notre situation actuelle. C’est la situation qui prévaut depuis une dizaine d’années, et qui nécessite une clarification et l’adjonction en parallèle des services psychiatriques habilités à la contrainte, de réseaux d’avocats et de juristes, comme de permanences d’associations spécialisées, comme on en trouve dans les C.R.A. (Centres de Rétention Administratifs) à l’endroit des migrants irréguliers.

  Tant que de telles solutions ne seront pas approchées, étudiées et mises en pratique, on ne sortira pas le milieu psychiatrique du fait qu’il est, en soi, un zone de non droit. Avec la pleine fabrication-conception-collusion, la pleine pérennisation de cet état de fait, par les autorités étatiques, les psychiatres les plus réactionnaires, les laboratoires, les firmes pharmaceutiques intéressées au fait que la France psychiatrique soit une terre en coupe réglée sous le coup d’une légalisation de la contrainte aux soins qu’ils n’ont eu de cesse de promouvoir, moyennant des lobbies tels que l’UNAFAM (suivie en cela par la FNAPSY en 2009-2010), ou la Mission Nationale d’appui en santé mentale qui regroupe au niveau du ministère de la santé, les psychiatres les plus technocrates du pays, eux qui sont également les plus opposés qu’on trouve à de quelconques droits fondamentaux des patients contraints mis en pratique. Et quelques autres lobbies par exemple politique. Voir le discours scandaleusement sécuritaire du président de la république, le 2 décembre 2008, à l’hôpital psychiatrique Erasme d’Antony.

4°) La loi du 30 juin 1838 en vigueur jusqu’au 27 juin 1990 et bien au-delà …

  Précisons d’emblée que l’ancienne loi du 30 juin 1838 ne prévoyait aucune obligation d’information quelle qu’elle soit aux internés. Il s’agissait d’une loi de police et d’assistance aux aliénés, qu’ils soient dangereux ou en état d’aliénation tel qu’aucune capacité ne leur était consentie. Cette absence totale d’information sur leurs droits pour les patients qui ont relevé de la vieille loi du 30 juin 1838 a été caractérisé par la jurisprudence interne tardivement, essentiellement à partir de l’essor du contentieux de l’internement psychiatrique dans les années 80 et 90, sous la houlette du Groupe Information Asiles animé à l’époque, bénévolement, par un chercheur au CNRS, Philippe Bernardet (décédé en 2007), à qui l’ on doit le développement en France de ce contentieux ainsi d’ailleurs, lointainement mais réellement, le fait que nous nous trouvions ensemble pour ce colloque aujourd’hui.

  Ce n’est d’ailleurs que le 21 février 1990, par l’arrêt Van der Leer contre Pays Bas, que la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) a sanctionné le défaut d’information des personnes internées en psychiatrie sur leur situation juridique et sur leurs droits, caractérisé en l’espèce comme une violation de l’article 5-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
(Article 5-2 de la CESDH : Toute personne arrêtée  doit être informée, dans le plus court délai, et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle).
La CEDH a considéré que cet article de la Convention, pénaliste plutôt que civiliste notons le, trouvait son application en matière d’internement psychiatrique à partir de cette affaire Van der Leer tranchée en 1990. Cette jurisprudence européenne trouvait un début d’application en droit français, par certains aspects de la réforme du 27 juin 1990 de la loi du 30 juin 1838.

  L’information sur ses droits à une personne privée de liberté n’ayant cours que s’il y a une notification de la mesure de contrainte à l’intéressé, on observera que l’obligation de notification des mesures défavorables aux administrés et constituant des mesures de police (ce qui est le cas d’un internement psychiatrique), a été codifiée en France, par l’article 8 de la loi du 17 juillet 1978, dans une loi portant amélioration des relations entre l’administration et les administrés. La loi du 17 juillet 1978, par ailleurs, codifie l’accès aux documents administratifs, et c’est à partir d’elle que la C.A.D.A. (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) a été créée. Cette loi a permis le développement en France du contentieux de l’internement psychiatrique puisque les dossiers d’internements sont devenus accessibles alors qu’auparavant ils ne l’étaient pas. Néanmoins ce n’est que tardivement que cette obligation de notification trouve sa traduction dans la jurisprudence. Au plan indemnitaire, la juridiction civile de Paris a ouvert sa jurisprudence en sanctionnant tout d’abord à deux reprises le défaut de notification par une condamnation de l’Etat à 80 000 F de dommages et intérêts (environ 12 000 €), le 9 mars 1992, dans une aff. A. B. n°26129/90, et dans une affaire C. P. n°23456/91, le 5 avril 1993. Ces deux affaires ont prêté lieu à des appels des services de l’Etat. La cour d’appel de Paris réduisit ultérieurement les montants accordés en première instance. Nous précisons qu’il s’agissait de placements d’office qui avaient été pris durant les dernières années d’exercice de la loi du 30 juin 1838. Depuis cette époque la juridiction civile sanctionne peu ou prou au plan indemnitaire le défaut de notification des mesures de contrainte psychiatrique, ce qui est un préalable à la sanction du défaut d’information des patients contraints sur leurs droits.

5°) En guise de conclusion :

  Je renvoie à mes conclusions précédentes développées plus précisément au long des points 1 à 3 de ce texte. Clairement, visiblement, les Barreaux à travers la France, les campus, les départements de droit universitaires, doivent consentir, désormais, des efforts de formation, en sorte qu’ on quitte une fois pour toutes le stade expérimental en la matière, et que les patients sous contrainte puissent, juridiquement, bénéficier d’une assistance juridique usuelle. Qu’ainsi donc ils cessent d’être considérés - que nous cessions d’être considérés - comme de seuls sous hommes ne valant même pas un accès au droit comparable à celui d’un migrant irrégulier en voie d’expulsion ou à celui d’un délinquant ou d’un criminel. Je vous signale que de nos jours encore, si vous parlez à un avocat pris au hasard du contentieux de l’internement psychiatrique et de sa jurisprudence, il y a un risque qu’il ne vous comprenne pas. Il faudrait évidemment qu’on sorte de cette impasse.

  Au plan statistique, la modalité psychiatrique de privation de liberté  est en passe de devenir, en France, la première modalité de privation de liberté.

  Que faisons-nous face à ce constat ?
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Au titre des références bibliographiques, je renvoie  à un traité déjà ancien mais qui reste très utile : Psychiatrie, droits de l’Homme et défense des usagers en Europe, de Philippe Bernardet, Thomaïs Douraki, et Corinne Vaillant, ERES 2002, collection : Etudes, recherches, Actions en santé mentale en Europe.

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C.R.P.A. (Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie). Association régie par la loi du 1er juillet 1901.
14, rue des Tapisseries, 75017, Paris. Tel : 01 47 63 05 62.
Courriel : andre.bitton2@orange.fr / Site :  http://crpa.asso.fr 

-          PRESENTATION DU C.R.P.A.

  Le CR.P.A (Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie) a été fondé en décembre 2010 par d’anciens membres du Groupe Information Asiles (GIA), dont un ancien président du GIA ayant assuré ces fonctions une dizaine d’années, au vu d’une sclérose très conséquente de cette précédente association, rendant nécessaire la création d’une nouvelle ressource associative.

  Le C.R.P.A a pour objet :

-          De structurer et formaliser une réflexion visant la promotion d’actions et de pratiques en faveur des droits fondamentaux des personnes psychiatrisées.
-          De mener des actions d’information sur l’abus et l’arbitraire en psychiatrie, sur les luttes contre les pratiques de contraintes aux soins et de détournement répressif de la psychiatrie, sur la maltraitance psychiatrique. Ces actions pouvant revêtir la forme de publications, de colloques, et d’interventions diverses.
-          De conseiller et défendre des personnes victimes d’abus et d’arbitraire psychiatrique soit en préalable à un contentieux, soit dans le cadre de contentieux ; et d’aider au montage de dossiers de procédures sur ce terrain.
-          Le C.R.P.A. aide également les personnes qui le contactent à formaliser leurs plaintes et à rompre l’engrenage de la honte et de l’isolement qui vont de paire avec une psychiatrisation.

  Le C.R.P.A collecte et diffuse de l’information sur la question des droits fondamentaux des personnes psychiatrisées, aide ces personnes et leurs soutiens à contester leur psychiatrisation, ainsi que les avocats en préparant les dossiers et en indiquant des jurisprudences utiles issues du  militantisme, des pratiques et des connaissances de ses membres.

  Notre association ne reçoit aucune subvention, et n’a d’autres ressources que  les cotisations et les dons de ses membres. Elle est uniquement animée par des bénévoles.

  REJOIGNEZ NOUS. FAITES CONNAITRE L’ASSOCIATION.         


lundi 13 juin 2011

Tous au Forum citoyen, 15 juin 2011, 16 h, devant le Sénat, contre le projet de réforme de l'internement et des "soins" psychiatriques


C.R.P.A. (Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie). Association régie par la loi du 1er juillet 1901.
14, rue des Tapisseries, 75017, Paris. Tel : 01 47 63 05 62.
Représentée par son président : André Bitton (même adresse). 
 
Pour les membres du CRPA Paris et Ile de France.        Paris, le 12 juin 2011.

Tous au forum citoyen appelé par les organisations signataires de la déclaration ci-dessous, mercredi 15 juin 2011, 16h, en face du Sénat : square Francis Poulenc, 75006, Paris, Métro Luxembourg ou Odéon.   
(N.B. : Le CRPA est signataire de l’ appel suivant, dans le cadre du collectif Mais c’est un homme. Nous serons également présents lors de la conférence de presse au Sénat, le 15 juin, à 14h30, avant le forum citoyen de 16h.)
Communiqué de presse :
Psychiatrie : Faisons du 15 juin une JOURNÉE de REFUS
du Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes
faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge.
DÉCLARATION
Nous, collectifs et organisations signataires, réaffirmons notre refus du « Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge »
Déjà inacceptable dans sa version initiale, les amendements successifs ont fini de dévoiler ses intentions premières : imposer la contrainte et le contrôle comme fondement du soin en psychiatrie. Ce n’est pas une loi sanitaire, mais une loi sécuritaire. Elle étend la contrainte à toute forme de soin en psychiatrie, de l’hôpital jusqu’au domicile. Elle prévoit en outre un « accueil » de 72 heures, véritable garde à vue psychiatrique sans droits de recours. La position soignante y est dégradée en « expertise de dangerosité », le soin relationnel est évacué. Elle est une grave atteinte aux libertés, elle dénature la décision du Conseil Constitutionnel imposant l’intervention du juge des libertés, en instituant un contrôle judiciaire au rabais. Elle met en place un authentique casier psychiatrique à vie.
Cette loi aggravera l’état déjà misérable de l’accès aux soins en psychiatrie et de son dispositif mis à mal par les politiques qui lui sont appliquées depuis vingt ans. L’état des lieux du soin en psychiatrie est catastrophique, dénoncé de longue date, et à juste titre, par les associations de patients, de familles, et les organisations de professionnels. Cet état de fait est aujourd’hui repris par la publication de diverses inspections dans un rapport de l’IGAS. Ce rapport reprend des faits sans revenir sur les causes historiques de délitement des formations et des budgets, sans tenir compte de la mise en place de la loi HPST. Nous le combattrons dans ses conclusions et préconisations car elles sont pour certaines absurdes, instrumentalisées par le gouvernement à des fins purement sécuritaires et insultante pour le travail des professionnels qui au quotidien luttent pour préserver la qualité de soin malgré les circonstances.
Cette orientation sécuritaire s’inscrit dans un processus plus global de stigmatisation de populations désignées comme dangereuses. Loi après loi, le fou, le jeune, l’étranger, ou le chômeur…, parmi les populations les plus vulnérables, deviennent ainsi des boucs émissaires pour incarner la peur afin de masquer le démantèlement à l’œuvre des services publics et des solidarités. Ainsi, dans le soin en psychiatrie, l’équilibre est rompu entre les nécessités de soins et les libertés individuelles.
Nous pensons qu’il est de la responsabilité de tous les citoyens et de toutes les organisations attachées au respect des droits de l’Homme d’exiger le retrait pur et simple de ce projet de loi. C’est la liberté de chacune et chacun d’entre nous qui est menacé.
Nous réclamons un plan de financement d’urgence pour le soin en psychiatrie, relançant les politiques de formation et donnant aux équipes les moyens d’accueillir, de soigner et d’accompagner la souffrance psychique.
Nous demandons l’organisation d’un débat national, incluant usagers, famille, organisations de professionnels et élus afin de poser les bases d’une loi sanitaire, humaniste, pour la psychiatrie publique de secteur soucieuse du respect des droits des citoyens.
Dès l’automne nous nous proposons d’ouvrir des espaces de débat pour organiser la résistance aux politiques de la peur.
- Le mercredi 15 juin alors que le Sénat débattra en 2ème lecture de ce projet de loi :
-          Délégation auprès du Sénat à 10 heures,
-          Les organisations signataires invitent journaux, radios, télévisions, média à une conférence de presse au Sénat à 14h30,
-          A un forum citoyen devant le Sénat square Francis Poulenc, de 16 h à 18 h.
Organisations signataires : Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, collectif Mais c’est un homme, Coordination des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Advocacy France, Attac, Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA), CFDT, CGT Santé et Action Sociale, Fédération nationale des Croix Marine, FASE, Fondation Copernic, IDEPP, Ligue des droits de l’Homme, Nouveau Parti Anticapitaliste, PCF, Parti de Gauche, PS, SERPSY, Sud Santé Sociaux, Syndicat de la Magistrature, SPEP, SPH, USP.

mercredi 8 juin 2011

Un rapport de l'IGAS sur l'état de la psychiatrie, aux conclusions surprenantes!


C.R.P.A. (Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie). Association régie par la loi du 1er juillet 1901.
14, rue des Tapisseries, 75017, Paris. Tel : 01 47 63 05 62.
Représentée par son président : André Bitton (même adresse).  

- Communiqué.                                                                            Paris, le 6 juin 2011.
UN RAPPORT DE L’IGAS SUR L’ETAT DE LA PSYCHIATRIE FRANCAISE, AUX CONCLUSIONS SURPRENANTES.
Si ce rapport de l’IGAS de mai 2011[1] - publié en parallèle de l’adoption par l’assemblée nationale en 2e lecture du projet de réforme de l’internement psychiatrique - souligne des dysfonctionnements dans les établissements psychiatriques extrêmement graves, dont des maltraitances sur malades de la part de personnels, c’est pour conclure à un seul défaut massif de sécurité dans ces établissements et à un accroissement des mesures de sécurité, comme à une meilleure détection de la dangerosité des patients psychiatriques …
Pour les inspectrices de l’IGAS, Françoise Lalande et Carole Lepine, il ne s’agit donc en rien de prôner une humanisation des conditions des hospitalisations psychiatriques et un strict respect des droits fondamentaux des patients, ce qui aurait du être la conclusion logique de ce rapport au vu des éléments rapportés et enquêtés, mais au contraire, d’accroître les mesures de défiance et d’encadrement sécuritaires qui pèsent sur les patients.
 Dans de pareilles conditions, notre association dénonce les conclusions de ce rapport qui, pourtant, révèle des réalités dramatiques et authentiques des établissements psychiatriques.
On notera en annexe de ce rapport des données statistiques inédites. Nous connaissons ainsi d’après l’ annexe 4 de ce rapport page 36, pour 2009, près de 80 235 personnes tenues sous mesures de contrainte psychiatriques, contre 55 586 en 2006, soit une hausse en seulement 3 ans de 44 % du nombre de personnes sous mesures d’internements psychiatriques. La hausse globale de la population psychiatrisée, que ce soit sous contrainte ou en régime libre, étant de 21 % …
Mais qu’en sera-t-il au bout de 3, 4 ou 5 ans d’exercice de la réforme en cours d’adoption alors même que la légalisation des soins contraints hors les murs, devrait faire flamber en hausse le nombre de personnes sous mesures de contraintes psychiatriques, et alors même que le seul souci de l’autorité sanitaire aura été, comme le démontre ce rapport de l’IGAS, de sécuriser les installations et de mieux se garantir de la seule dangerosité des patients, en faisant de ceux-ci des ennemis intérieurs à surveiller, à juguler, à médiquer, à enfermer … bref à « soigner » (comme on dit !).
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[1] Rapport Tome 1. Inspection Générale des Affaires Sociales, RM2011-071P, Analyse d’accidents en psychiatrie et propositions pour les éviter. Françoise Lalande et Carole Lepine, membres de l’Inspection générale des affaires sociales. Mai 2011.

jeudi 26 mai 2011

L'Hospitalisation d'office devant le juge constitutionnel

C.R.P.A. (Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie). Association régie par la loi du 1er juillet 1901.
14, rue des Tapisseries, 75017, Paris. Tel : 01 47 63 05 62.
Représentée par son président : André Bitton (même adresse).  

- Communiqué de presse.                                                    Paris, le 25 mai 2011.

Le Conseil Constitutionnel contraindra-t-il le Gouvernement à revoir sa copie en matière d’internement d’office ?

OBJET : Audience au Conseil constitutionnel le 24 mai 2011 au matin, dans deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) portant sur l’hospitalisation d’office (H.O.) telle que régie par la loi du 27 juin 1990. (Affaires 2011-135/140 QPC).

Deux questions prioritaires de constitutionnalité sur l’hospitalisation d’office (loi du 27 juin 1990) étaient audiencées hier matin devant le Conseil Constitutionnel. La première dans une affaire A. Bounou, actuellement interné d’office en région parisienne. La 2e dans une affaire J.-L. Chessa également en cours d’internement d’office à Rennes. La première de ces affaires porte sur l’instauration de l’hospitalisation d’office pour un mois (article L. 3213-1 du code de la santé publique), mais aussi sur les maintiens de l’internement d’office. La 2e porte exclusivement sur les maintiens en hospitalisation d’office (article L. 3213-4 du code de la santé publique, CSP).
 La vidéo de l’audience de ce matin est disponible sur le site du Conseil constitutionnel : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseilconstitutionnel/francais/videos/2011/mai/affaire-n-2011-135-140-qpc.97142.html.

N.B. : Je précise que l’affaire de M. J.-L. Chessa qui est à la base de l’intervention volontaire dans cette instance du Groupe Information Asiles (GIA), a été démarrée par moi-même en  février 2010 amplement avant que nous ne formions le CRPA en décembre 2010 sur la base d’une scission du Groupe Information Asiles, et que cette affaire a été traitée par Me Mayet, Me Ricard ayant repris cette affaire au niveau de la Cour de cassation et de cette QPC. Voir présentation du CRPA, article du 15 février 2011, sur le site du CRPA : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/3  

La décision du Conseil constitutionnel sera rendue le 10 juin prochain, c’est à dire juste avant la 2e lecture du projet de réforme de l’hospitalisation sans consentement, au Sénat.

Si l’article L. 3213-1 du CSP sur l’instauration de l’hospitalisation d’office pour un mois est censurée par le Conseil constitutionnel (dans l’affaire de M. A. Bounou en l’espèce), le projet de réforme actuel du gouvernement pourrait dés lors être mis en péril, du moins sur les mesures d’office préfectorales en ce qui concerne le délai d’intervention du juge judiciaire (actuellement prévue pour couvrir le délai de quinzaine à partir du début de l’internement d’office).

Nous appelons les média contactés à couvrir cet évènement.


 

dimanche 22 mai 2011

Témoignage de Mr Laurent Wetzel, ancien Maire de Sartrouville (78) sur son internement arbitraire (juin 1995)



Cet internement abusif qui avait été rapporté à l’époque par les média d’ailleurs de façon tronquée, a prêté lieu à un ouvrage de Mr Laurent Wetzel : « Un internement politique sous la 5e République » Odilon Média ; juin 1997 (épuisé). C’est par cet internement que le pouvoir en place fit perdre à Mr Wetzel la Mairie de Sartrouville dont il était Maire, lors des élections municipales de juin 1995
Mr L. Wetzel, dans le témoignage ici publié, prend position en faveur d’une judiciarisation a priori de l’internement psychiatrique et s’appuie sur sa propre expérience pour étayer son propos.

Le 26 novembre dernier, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré la loi du 27 juin 1990 sur l’hospitalisation sous contrainte pour troubles mentaux. Il l’a fait au motif que, selon cette loi, le juge n’intervient pas dans la décision qui conduit à l’hospitalisation, sans son consentement, d’une personne atteinte de troubles psychiques. Il a justifié sa censure en indiquant que « la liberté individuelle ne peut être sauvegardée que si le juge intervient dans le délai le plus court possible », et cela en vertu de l’article 66 de la Constitution, qui dispose :
« Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »
Il y a longtemps que la judiciarisation de l’internement psychiatrique était réclamée par des personnalités de premier plan. En 1904, Georges Clemenceau avait déposé une proposition de loi spécifiant que « tout internement d’aliéné constituera le délit de violation de la liberté individuelle s’il n’a été immédiatement soumis à la ratification de l’autorité judiciaire ». En 1976, François Mitterrand avait préfacé un ouvrage rédigé sous l’égide de Robert Badinter, Réflexions pour une Charte des libertés, dans lequel il était écrit : « L’autorité judiciaire a seule pouvoir de décider le placement d’un malade dans un établissement psychiatrique ».

Il fallut attendre la publication, en 1989, d’un livre percutant de Philippe Bernardet sur les internements arbitraires, Les dossiers noirs de l’internement psychiatrique, pour que les pouvoirs publics se décident enfin, en 1990, à améliorer la loi de 1838 relative à l’hospitalisation sous contrainte. Mais la nouvelle loi dite Evin-Rocard écartait à nouveau la judiciarisation de cette procédure malgré la demande instante de nombreux parlementaires.

La décision récente du Conseil constitutionnel oblige donc au vote d’une nouvelle loi prévoyant la saisine du juge lorsqu’il s’agit d’hospitaliser quelqu’un sans son consentement. Cependant, cette décision est assortie d’une étonnante recommandation qui fixe à 15 jours le délai au delà duquel l’intervention du juge devrait devenir obligatoire. Cette recommandation est étonnante car, d’après le code pénal, une séquestration qui dure plus d’une semaine est un crime, passible de la Cours d’assises. Elle n’en figure pas moins dans le projet de loi, actuellement en discussion au Parlement, qui vise à réformer la loi de 1990.

Mon expérience personnelle prouve que cette nouvelle disposition ne serait pas de nature à empêcher les internements arbitraires ni les conséquences extrêmement graves qu’ils peuvent entraîner, même quand leur durée est inférieure à 15 jours.

Cette expérience personnelle, je l’ai racontée, pièces à l’appui, dans un livre que j’ai publié aux Editions Odilon Media, en 1997, Un internement politique sous la Ve République. Barbouzes et blouses blanches.
Voici, en quelques mots, les faits que j’y relate :
  • En juin 1995, après avoir conduit des combats politiques difficiles, je suis candidat à ma réélection comme maire de Sartrouville, 2e commune du département des Yvelines.
    Le 18 juin, le jour même du second tour des élections municipales, à minuit cinq, je suis arrêté, devant mon domicile, par Bertrand Affres, le commissaire de police, entouré de 5 agents de la Brigade Anti-Criminalité. Il me contraint à monter dans une ambulance qui doit, me dit-il, m’emmener à l’hôpital Sainte-Anne. Il refuse de me laisser téléphoner à un avocat, à un médecin, à mon épouse. Il me refuse même d’aller chercher une brosse à dents.
  • A l’hôpital Sainte-Anne, le médecin de garde me questionne longuement et conclut : « Vous ne souffrez d’aucune pathologie mentale, votre hospitalisation n’aurait aucun sens ». J’ai obtenu plus tard copie des notes qu’il a écrites de sa main après m’avoir examiné. Il y affirmait effectivement :
    « M. Wetzel, âgé de 45 ans, amené par la police, ne présente pas de troubles maniaques, ni dépressifs, ni dissociatifs, ni de comportement »
    Je demande donc à ce médecin de me libérer pour rejoindre Sartrouville où le scrutin doit commencer quelques heures plus tard. Il croit nécessaire de consulter sa « hiérarchie », c’est-à-dire Guy Piau, Directeur de l’hôpital Sainte-Anne, dont je devais plus tard apprendre dans le Who’s Who qu’il avait été grand maître de la Grande Loge de France, et qui aurait dû, à ce titre, être tout particulièrement attaché au respect des droits de l’homme. Guy Piau lui donne alors l’ordre illégal de ne pas me laisser quitter l’hôpital Sainte-Anne où je serai séquestré pendant 12 jours par mesure préventive me diront des médecins dont les certificats reproduisent les calomnies que la police leur a communiquées sur mon compte.
  • Une fois libre, j’écris au Préfet des Yvelines, Claude Erignac, pour lui demander des explications sur mon arrestation par la police qui n’aurait pu intervenir que dans le cadre d’une hospitalisation d’office prescrite par un arrêté préfectoral. Il me répond qu’il ne s’est pas agi d’une hospitalisation d’office mais d’une hospitalisation à la demande de ma famille. Or, cette procédure n’existe pas. L’hospitalisation sous contrainte, c’est soit l’hospitalisation d’office, soit l’hospitalisation à la demande d’un tiers, et cette dernière formule exclut l’intervention de la police et impose la présence du tiers demandeur. Claude Erignac reconnaît, par là- même, qu’il s’est agi d’un enlèvement par la police, qui a déterminé une séquestration. Il termine sa réponse en incriminant le commissaire de police et le Procureur de la République.
  • J’en informe le commissaire de police qui m’assure avoir reçu ce qu’il appelle un « feu vert de sa hiérarchie » et proteste auprès du Préfet. Je reçois alors un second courrier, qui a reçu l’aval de Claude Erignac, qui est signé par Luc Rudolph, Directeur Départemental de la Sécurité Publique, et qui indique :
    « Il est clair que M. Affres n’a pas agi de son propre chef et avait préalablement obtenu le « feu vert » de sa hiérarchie et de l’administration préfectorale ».
L’ « opération », comme l’appelle Luc Rudolph, c’est-à-dire mon enlèvement par la police, a ainsi été ordonné par de hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur, au passé expressif :

• Claude Erignac, ancien Directeur du cabinet de Jacques Pelletier, ministre de la coopération dans le gouvernement Rocard.
• Luc Rudolph, ancien responsable de la « sécurité » sur le secteur français de Berlin-Ouest durant 6 ans.
• Gonthier Friederici, ancien membre du cabinet de Laurent Fabius à Matignon, qui était, à l’époque, sous-préfet de Saint-Germain-en-Laye.
Mais il est clair aussi qu’une telle « opération », inédite dans l’histoire politique de notre pays, n’a pas pu être conduite par ces trois fonctionnaires sans qu’ils aient obtenu le « feu vert » de la « hiérarchie politique », c’est-à-dire, au moins, de Jean-Louis Debré, Ministre de l’Intérieur, et d’Alain Juppé, Premier Ministre, à l’époque où Claude Guéant était Directeur général de la Police nationale. Fin 1995, Jean-Louis Debré est d’ailleurs venu inaugurer le nouveau commissariat de Sartrouville, en présence de Claude Erignac, Luc Rudolph et Bertrand Affres, comme pour leur manifester sa satisfaction.

Peu après, j’ai annoncé publiquement, devant le Conseil général des Yvelines, que j’allais intenter des poursuites judiciaires contre les auteurs de mon arrestation illégale. Cela n’a pas ralenti leur carrière, bien au 
contraire :
• En janvier 1996, Claude Erignac fut promis Préfet de région, Préfet de la région Corse. J’ai, à ce sujet, écrit dans mon livre, page 228 : « C’était une promotion, mais ce n’était pas une sinécure : il y risque sa vie tous les jours et il a plus de mal à arrêter légalement les terroristes corses qu’il n’en a eu a arrêter illégalement le maire de Sartrouville ». Un an plus tard, il était également promu officier de la Légion d’honneur.
• En 1997, Jean-Louis Debré remit lui-même les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à Luc Rudolph au ministère de l’intérieur. Luc Rudolph fut plus tard nommé Conseiller pour la sécurité de Nicolas Sarkozy puis de Dominique de Villepin au ministère de l’intérieur. Il a terminé sa carrière comme Contrôleur général de la Police nationale, directeur des services actifs de la Préfecture de police de Paris et officier de la Légion d’honneur.
• Dès 1997, Gonthier Friederici est devenu Préfet, et il n’a cessé de l’être depuis cette date. Il vient d’être, 7 ans durant, Préfet du Finistère.
• Bertrand Affres enfin, a été nommé, en mars 1996, à l’Inspection Générale des Services, la « police des polices » , ce qui ne manque pas de sel quand on sait le zèle qu’il a mis à appliquer l’ordre illégal de mon arrestation. J’ai pu constater, de visu, un peu plus tard, qu’il était adhérent du Front National.
Les répercussions de cet enlèvement par la police et de cet internement arbitraire de 12 jours sur ma vie politique, professionnelle, sociale, familiale, personnelle, furent considérables.
Dès l’aube du 18 juin 1995, les militants RPR de Sartrouville font courir, partout dans la commune, dans les bistrots, dans les marchés, dans les bureaux de vote, des rumeurs selon lesquelles, armé d’un révolver, j’aurais menacé de tuer ma famille, celle de mon adversaire RPR, un certain Pierre Fond, ami et protégé de Pierre Bédier, des groupes de Maghrébins, des voyageurs à la gare Saint-Lazare, ce qui aurait conduit le préfet Erignac à me faire arrêter par la police et interner d’office. A 14h20, une dépêche de l’AFP, se fondant sur des informations données par la préfecture, annonce mon internement d’office, et, à 15 heures, à la demande du RPR Michel Péricard, un flash de RTL, la radio la plus écoutée de France, proclame la nouvelle. 
Ce coup de police politique fait élire de justesse la liste de Pierre Fond, mais le tribunal administratif de Versailles ne manque pas d’annuler une élection qui s’est déroulée dans de telles conditions. A la surprise générale, près d’un an plus tard, le Conseil d’Etat juge normal mon enlèvement par la police, légales les rumeurs calomnieuses concernant ma dangerosité, légitime le flash de RTL, et confirme l’élection. Le principal responsable du Parti communiste à Sartrouville s’indigne en ces termes de ce qu’il appelle un « déni de justice » :
« A Sartrouville un pas a été franchi par le Parti au pouvoir : l’utilisation, au moment du scrutin municipal, en toute illégalité, de l’hôpital psychiatrique pour éliminer de force un candidat gênant. Le jugement de cour du seul Conseil d’État est un jugement de complaisance en faveur du parti au pouvoir, qui fait le silence sur les graves manipulations du suffrage universel. Pourquoi, sinon, après ce coup de force, le Pouvoir a-t-il muté en Corse le préfet des Yvelines ? » Claude Erignac et Renaud Denoix de Saint Marc, Vice-Président du Conseil d’Etat, ne répondirent pas.

Les conséquences de cet internement arbitraire ne furent pas seulement politiques. La lapidation politique qui s’ensuivit me causa des préjudices immenses. J’ai certes fait condamner en 1re instance, et, si nécessaire, en appel, les médias qui me firent passer pour un forcené qu’on aurait dû interner d’office, l’AFP, RTL, France 3, Le Figaro, France-Soir, Le Parisien Libéré, La Croix, dont l’article poursuivi fut le plus odieux de tous, mais le mal était fait. Le quartier où j’habitais à Sartrouville était appelé « le quartier du fou ». Je dus renoncer à vivre dans la commune dont j’étais conseiller municipal et conseiller général. On imagine ce que fut l’épreuve pour mon épouse, pour mes trois garçons, pour mes vieux parents. Ce que fut leur souffrance.

J’ai bien sûr tenté de saisir la justice pour obtenir la sanction des auteurs de ce forfait. Il m’aurait sans doute été possible de faire condamner les médecins qui avaient rédigé à mon encontre des certificats constituant des « faux » au sens pénal du mot. Mais les vrais coupables étaient ceux qui avaient abreuvé les médecins de calomnies sur mon compte, et surtout conçu puis mis en œuvre cette « opération », les responsables policiers, préfectoraux et politiques que j’ai nommés et qui bénéficièrent des plus haute complicités dans l’appareil de l’Etat pour chercher à rendre mes plaintes inopérantes. Parmi ces complices, Philippe Massoni, à l’époque Préfet de police de Paris, auparavant Directeur du cabinet de Charles Pasqua et bientôt chargé de mission auprès de Jacques Chirac à la Présidence de la République.

Plutôt que de risquer l’enlisement des mes plaintes dans des procédures longues et coûteuses, j’ai préféré écrire ce livre qui établit la culpabilité de ces gens-là, et je l’ai envoyé immédiatement à MM. Chirac, Juppé, Debré, Erignac, Rudolph, Friederici, Affres, Piau, etc. Aucun ne m’a poursuivi, ce qui revient à un aveu de culpabilité de leur part.

Ce dont je suis sûr, c’est que, si un juge avait été saisi de mon arrestation par la police dans la nuit du 18 juin 1995, il m’aurait fait libérer sur-le-champ et le cours de mon sort, celui aussi de mes proches en eussent été changé. C’est pourquoi je demande que le projet de loi actuellement en discussion au Parlement soit modifié et prévoit l’intervention immédiate du juge des libertés et de la détention, quand il s’agit d’hospitaliser une 
personne sous contrainte. C’est ainsi qu’on procède dans la plupart des pays européens.

Laurent Wetzel, le 18 mai 2011.
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dimanche 8 mai 2011

PSYCHIATRISES: RESISTANCE!

Appel du CRPA aux personnes qui ont connu ou connaissent actuellement de l’institution psychiatrique.
Pour les personnes qui ont connu ou connaissent actuellement de la psychiatrie lourde et de ses ravages, l’heure est au tout médicament et à l'enfermement. Le projet de réforme gouvernemental en fait foi.

Nous lançons cet appel solennel : n’attendez pas qu’il soit trop tard, dans vos vies, et dans la déshumanisation qui vous a été programmée dans les institutions comme en ville. N’attendez pas le feu vert de votre psychiatre, de vos soignants, de vos parents, de vos frères et sœurs, de celles et ceux pour qui vous étiez en trop, et qui vous ont voués aux institutions psychiatriques. Vous faisiez tache pour ces gens là. Vous étiez en trop.

Entrez en résistance ! Rejoignez nous. Nouez vos solidarités. Organisez vous. Formez vos associations.
N’attendez pas de subsides des pouvoirs publics, qui ne vous en donneront que moyennant votre profil bas, et une absence de contestation de votre part.

Vous avez connu des horreurs en institution psychiatrique. Dénoncez les. Osez parler. Osez reprendre votre liberté.

PSYCHIATRISES : RESISTANCE !

Ce n’est pas parce qu’actuellement celles et ceux qui manifestent contre le projet de réforme de l’internement psychiatrique, sont très majoritairement des professionnels en désaccord, que vous devez oublier de vous joindre à nos quelques voix, émargeant des ex-patients ou d’actuels soignés en lutte contre les projets actuels concernant le champ psychiatrique. Rejoignez nous ! Sortez de la honte, du silence et de l’isolement.

PSYCHIATRISES: RESISTANCE!
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samedi 7 mai 2011

Une démission au Sénat d'une rapporteur en désaccord avec la majorité UMP.


AFP. 6 mai 2011.
La sénatrice Muguette Dini renonce à être rapporteur du texte sur l'hospitalisation d'office
PARIS - La présidente centriste de la commission des Affaires sociales du Sénat, Muguette Dini, a démissionné de son poste de rapporteur du projet de loi sur l'hospitalisation d'office après son rejet en commission, a-t-on appris vendredi auprès de la commission. Le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et modalités de leur prise en charge a été rejeté mardi lors de son examen par la commission. Mme Dini avait fait voter, contre l'avis du gouvernement, la suppression d'une des mesures phares du texte, la possibilité de soins ambulatoires psychiatriques sans consentement. Furieuse, une grande partie des sénateurs UMP avait alors décidé de voter contre l'ensemble du texte. Le PS s'étant abstenu et les sénateurs communistes ayant également voté contre, le texte a été rejeté. C'est la première fois qu'un projet de loi est rejeté en commission depuis la réforme constitutionnelle de juillet 2008 prévoyant que le texte discuté en séance est celui voté en commission. S'appuyant sur l'article 42 de la Constitution, les services du Sénat ont décidé que ce serait le projet de loi tel que voté en première lecture le 22 mars à l'Assemblée nationale qui sera discuté en séance mardi après-midi. La commission des Affaires sociales désignera un autre rapporteur mardi matin. L'UMP présentera Jean-Louis Lorrain (Haut-Rhin), qui devrait être désigné. Ce projet de loi qui réforme l'hospitalisation d'office et introduit le contrôle du juge des libertés sur l'hospitalisation sans consentement a été voulu par le président Nicolas Sarkozy fin 2008 après le meurtre d'un étudiant à Grenoble par un malade enfui de l'hôpital. Il a suscité la colère de tous les syndicats de psychiatres, rejoints par des syndicats de magistrats, qui le jugent plus sécuritaire que sanitaire.