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samedi 20 novembre 2010

Conseil d'Etat, 20/11/2009, sur l'accès à l'avocat dans l'H.O provisoire.

actu
EL avocat
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Édition du mercredi 25 novembre 2009
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Loi et réglementation
"Police des aliénés" : droit à un avocat
L'infirmerie psychiatrique de la Préfecture de police de Paris doit mentionner, dans sa charte d'accueil, le
droit de faire appel à un avocat. Ce droit est distinct du droit du gardé à vue de faire appel à un avocat.
C'est la fin du bras de fer qui opposait la préfecture de police de Paris et une association de lutte contre l'internement
psychiatrique illégal. L'infirmerie psychiatrique de la Préfecture de police de Paris (I3P) devra désormais mentionner
dans sa charte d'accueil le droit pour les personnes qui y sont conduites de faire appel à un avocat.
Refus du préfet d'inscrire le droit à un avocat dans la charte de l' I3P
Le Groupe d'information asiles (GIA) avait demandé au Préfet de police de Paris, sous l'autorité duquel est placée
l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, établissement
provisoirement les personnes présentant des troubles mentaux manifestes, d'inscrire, dans la charte d'accueil et de
prise en charge des personnes qui y sont conduites, le droit de faire appel à un avocat. Par décision du 30 avril 2003,
le Préfet de police a refusé d'inscrire cette mention dans le document.
L'association a demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif qui a fait droit à sa demande. Sur
appel de la Préfecture, la cour administrative d'appel confirme l'annulation de la décision du Préfet. Il a formé un
pourvoi devant le Conseil d'Etat.
sui generis (voir encadré) destiné à accueillir
Nature de l'I3P
Procédant par élimination, le Conseil d'Etat a d'abord déterminé quel type d'établissement est l'I3P. Il constate en
premier lieu que, dans la mesure où la décision de conduire une personne à l'I3P est considérée comme une mesure
de police administrative à caractère provisoire, l'infirmerie ne saurait être assimilée à un établissement de soins qui
accueille et soigne les malades qui font l'objet d'une hospitalisation d'office ou sur demande d'un tiers (art. L. 3214-1
et L. 3222-1 du code de la santé publique).
La Haute juridiction considère en revanche qu'il s'agit d'une hospitalisation sans consentement au sens de l'article
L.3211-3 du code de la santé publique, qui doit donc s'appliquer à cette situation. Cet article édicte que toute
personne concernée doit être informée dès son admission dans un tel établissement de son droit de prendre contact
avec un avocat.
I3P en cours de garde à vue
Le Conseil d'Etat prend soin de préciser que le droit, issu de l'article précité, de prendre contact avec un avocat est
autonome. Le fait que la personne bénéficie déjà de ce droit au titre de l'article 63-4 du code pénal, parce qu'elle a
été placée en garde à vue avant d'être conduite à l'I3P est indifférent. Ainsi, le gardé à vue qui aurait déjà bénéficié
des conseils d'un avocat au commissariat a, dès son arrivée à l'I3P, le droit de prendre à nouveau contact avec son
conseil, les deux droits n'étant pas exclusifs. André Bitton, président du GIA, indique cependant que ces cas sont
minoritaires. "Le nombre de personnes conduites à l'I3P après une garde à vue ne doit pas représenter plus de 10%
des cas" estime -t-il.
La décision de la cour administrative d'appel de Paris est donc confirmée. La charte d'accueil de l'I3P devra donc
mentionner le droit pour la personne accueillie de faire appel à un avocat.
Raphaël Mayet, avocat du GIA, précise que le 20 juillet dernier, la Préfecture de police a procédé à la modification de
la charte d'accueil et du règlement intérieur de l'I3P. Cependant, le nouveau règlement, s'il mentionne le droit pour le
patient d'avoir recours à un médecin extérieur ou à un avocat, subordonne l'exercice de ce droit à l'autorisation des
médecins de l'infirmerie. Le GIA a engagé une action devant le tribunal administratif de Paris pour faire annuler cette
disposition.
L'I3P, une exception parisienne
Située dans l'enceinte de l'hôpital Sainte-Anne à Paris, l'I3P est un service de santé placé sous l'autorité exclusive de
la Préfecture de police de Paris. Elle accueille pour une durée de 48 heures maximum les personnes qui lui sont
adressées par les commissaires de police et dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes et qui
présentent, pour la sûreté des personnes, un danger imminent attesté par un avis médical ou à défaut, par la
notoriété publique (CSP, art. L.3211-3).
Partout ailleurs en France, c'est le maire de la commune qui peut décider de procéder au placement présentant de
tels troubles et la structure parisienne fait donc figure d'exception. "En province, explique Raphaël Mayet, il n'existe
pas de telles structures de transition et la personne est tout de suite conduite auprès d'un établissement de soins et
bénéficie des droits qui y sont attachés. Elle peut consulter un médecin neutre, prendre contact avec son conseil. Ce
n'était pas le cas à l'I3P où tout le personnel d'accueil et de soins est soumis à l'autorité de la Préfecture. A Paris, les
personnes qui se retrouvent dans cette situation disposent de garanties moindres par rapport à la province" . L'I3P
est donc l'objet de critiques appuyées de la part d'associations de défense contre l'internement abusif.
En 2008, 2 243 personnes ont été accueillies dans cette structure et plus de 40% d'entre elles ont fait l'objet d'une
hospitalisation d'office à l'issue de leur passage à l'I3P.
(CE, 20 nov. 2009, n° 313598)
Par
Anne Portmann
EDITIONS
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La décision elle même:

Conseil d'État
N° 313598
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Daël, président
Mme Laure Bédier, rapporteur
M. Derepas Luc, rapporteur public
SCP PEIGNOT, GARREAU ; RICARD, avocats


Lecture du vendredi 20 novembre 2009
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 21 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le PREFET DE POLICE, représentant la Ville de Paris ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 22 novembre 2006 du tribunal administratif de Paris ayant, à la demande de l'association Groupe Information Asiles, annulé la décision du 30 avril 2003 par laquelle il a refusé de rendre effectif le droit d'accès à un avocat en l'inscrivant dans la charte d'accueil et de prise en charge des personnes conduites à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales :

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du PREFET DE POLICE et de Me Ricard, avocat de l'association Groupe Information Asiles,

- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat du PREFET DE POLICE et à Me Ricard, avocat de l'association Groupe Information Asiles ;



Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique : Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en oeuvre de son traitement. (...). / Elle doit être informée dès l'admission et par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits./ En tout état de cause, elle dispose du droit : /(...) 3º De prendre conseil (...) d'un avocat de son choix ; qu'aux termes de l'article L. 3213-2 du même code : En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales : Dans la commune de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs et attributions qui lui sont conférés par l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris et par les textes qui l'ont modifié ainsi que par les articles L. 2512-7, L. 2512-14 et L. 2512-17 (...) ; que selon l'article 35 de l'arrêté du 12 messidor an VIII : Le préfet de police aura sous ses ordres les commissaires de police (...) ;

Sur la recevabilité du pourvoi :

Considérant que, sauf exceptions, il n'appartient qu'aux ministres intéressés de présenter au nom de l'Etat un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat ; que, toutefois, il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus que, lorsqu'ils prennent des mesures en application de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, le préfet de police et les commissaires de police placés sous son autorité agissent en matière de police municipale ; que c'est dans ce cadre qu'a été créée et que fonctionne à Paris l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police ; qu'ainsi, en formant un pourvoi en cassation contre l'arrêt du 21 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du 22 novembre 2006 du tribunal administratif de Paris annulant le refus opposé par lui à l'association Groupe Information Asiles de rendre effectif le droit d'accès à un avocat par l'inscription de ce droit dans la charte d'accueil et de prise en charge des personnes conduites à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, le PREFET DE POLICE a agi au nom de la Ville de Paris et non pas au nom de l'Etat ; que, par suite, son pourvoi est recevable ;

Sur le fond :

Considérant, en premier lieu, qu'alors même que la conduite à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police est une mesure de police administrative à caractère provisoire et de très courte durée, destinée principalement à l'observation des personnes souffrant de troubles mentaux manifestes et à leur protection ainsi qu'à celle des tiers, et que ce service ne relève pas des établissements de soins mentionnés aux articles L. 3214-1 et L. 3222-1 du code de la santé publique au sein desquels sont accueillis et soignés les malades faisant l'objet d'une hospitalisation sur demande d'un tiers ou d'office en application, respectivement, des articles L. 3212-1 et L. 3213-1 de ce code, l'admission et la rétention dans cette structure doivent être regardées comme une hospitalisation sans consentement de la personne intéressée au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 3211-3, dont le champ d'application s'étend à toutes les mesures de cette nature décidées dans le cadre des chapitres II et III du titre I du livre II de la troisième partie du code de la santé publique ; que la circonstance qu'une personne placée en garde à vue et conduite à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police puisse continuer à bénéficier des droits prévus par l'article 63-4 du code de procédure pénale est sans incidence sur les droits dont elle bénéficie au titre de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la mesure de conduite à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris constituait une mesure d'hospitalisation sans consentement au sens de l'article L. 3211-3, de sorte que toute personne concernée doit être informée, dès son admission, de son droit de prendre le conseil d'un avocat de son choix ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le droit de faire appel à un avocat dont disposent les personnes conduites à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris est prévu par l'article L. 3211-3 du code de la santé publique ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de l'incompétence du PREFET DE POLICE, en l'absence de disposition législative en ce sens, pour prendre les mesures destinées à rendre effectif ce droit en l'inscrivant dans la charte d'accueil qu'il a décidé d'édicter pour l'organisation du service, qui est affichée dans les locaux de l'infirmerie et dont les dispositions sont portées à la connaissance des personnes qui y sont conduites ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 décembre 2007 ; que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par l'avocat de l'association Groupe Information Asiles à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, partie dans la présente instance ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du PREFET DE POLICE est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'avocat de l'association Groupe Information Asiles, tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE et à l'association Groupe Information Asiles.

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