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jeudi 18 novembre 2010

Un internement bien singulier!

Pour en savoir plus sur cette affaire, conférer le lien http://psychiatrie.crpa.asso.fr/192

André Bitton.                                          Paris, le 14 octobre 2010.

Intervention à la Ligue des Droits de l’Homme, le samedi 16/10/2010, à la journée de formation sur : L’état des droits dans les lieux de privation de liberté.
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L’affaire L.Y. M., une affaire d’internement arbitraire en Unité pour Malades Difficiles
(UMD). 2009-2010.

Préliminaires :

1°) Hervé Bazin, dans La tête contre les murs (1949) - (C’est le Dr Salomon, psychiatre, médecin chef à l’asile départemental de St Gemmes près d’Angers, qui parle dans cette citation) :
  « Les asiles, proclamait il encore (dans l’intimité), ont deux tâches à remplir : la guérison de l’aliéné et la protection de la société. La seconde passe avant l’autre, car elle intéresse tout le monde et se réalise facilement. ».

  Précision : Hervé Bazin (1911-1996), grand romancier français fit dans son oeuvre une satire virulente des oppressions familiales et sociales. Il connut un internement psychiatrique qu’on peut qualifier d’abusif en fin d’adolescence, au titre d’un Placement Volontaire familial (HDT actuelle). Voir également Vipère au poing, son premier roman, 1948.

2°) Nous avons constaté au GIA que la France officielle, psychiatrique, institutionnelle, y compris de gauche, refuse de reconnaître l’existence en France d’internements abusifs. L’idéologie dominante dans ce secteur de la santé et du maintien de l’ordre, est que nous sommes tous peu ou prou des malades mentaux à l’enseigne de Drs Knock, exécutables soit sur divans si capacité de paiement, soit par des ordonnances renouvelables indéfiniment de psychotropes légaux (des  médicaments psychiatriques). Un homme d’Etat français osa à un seul moment de l’Histoire de France, mettre en garde le pays contre le risque de l’internement abusif : Georges Clémenceau, alors ministre de l’Intérieur, dans une circulaire de 1906 adressée aux Préfets, leur enjoignant dans leurs visites de contrôle des asiles d’aliénés, d’ ordonner la main  levée immédiate de tout internement qu’ils estimeraient abusif afin de ne pas entacher le crédit de la France. Depuis 1906 plus rien ou à peu près, malgré un amoncellement à partir des années 80 de plus en plus évident, de jurisprudences des juridictions administratives et judiciaires mais aussi européennes (CEDH)…
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  Une jurisprudence négative au demeurant, du JLD de Créteil du 9/11/2009, résume cette affaire sous l’angle d’une position judiciaire. Cette décision est  annexée au présent texte avec le rapport d’inspection de la CDHP du Val de Marne (CDHP : Commission Départementale des Hospitalisations Psychiatriques) faisant suite à une visite de contrôle faite par cette commission administrative le 25/9/2009, sur cette situation à l’UMD Henri Colin du CHS Paul Guiraud de Villejuif.

  Si je voulais résumer cette affaire, je dirais qu’il s’agit d’une affaire d’hospitalisation d’office démonstrative d’un abus de pouvoir psychiatrique mais aussi préfectoral caractérisé, en regard d’une décision judiciaire libérant un interné. Décision de justice que ni l’administration préfectorale ni l’hôpital psychiatrique n’ont respecté, rappelant ainsi qu’en matière d’internement psychiatrique d’office, l’Administration et les  praticiens  hospitaliers ont plein pouvoir sur leurs patients, quand bien même la justice donnerait gain de cause à un de leurs patients …

  Cette affaire démarre par la prise d’une H.O par la Préfecture de l’Essonne, contre Mr L. Y. M. né en 1976, le 24 avril 2009, du fait de menaces de mort et de violences que celui-ci aurait exercé contre sa compagne qui venait de rompre leur couple vieux de 14 ans, alors même que leur mariage était envisagé. Le tout dans le contexte de ce qui fut diagnostiqué comme un état délirant dissociatif, avec des propos mystiques interprétatifs. Ce jeune homme venait par ailleurs, de tout perdre : son emploi, son salaire, sa femme et son logement …A sa sortie d’H.O ses parents ont du le recueillir à leur domicile. Mr M., libéré en avril dernier, sollicite actuellement un relogement social. Je précise également que la compagne de Mr M. exerce comme infirmière et en tant que telle connaissait le circuit psychiatrique.

  Mr M. a donc été interné en H.O à partir du 24 avril 2009, dans la clinique de secteur Lacan de Yerres (91), dans laquelle le médecin chef, le Dr M., va prendre une décision clinique catastrophique, qui va déclencher ce drame. Le Dr M., décide dans un premier temps de ne pas sédater Mr M. par neuroleptiques, tout en le plaçant en chambre d’isolement, en observation. Ce point ressort de ce que ses parents constateront et nous répercuteront, tandis que le dossier fait état que Mr L. M. ne répond pas aux traitements qui sont progressivement haussés à bloc. Très rapidement, Mr M. ne sachant pas ce qu’on lui veut, et n’ayant pas de recours ouverts, hausse le ton. L’incompréhension et la tension s’instaurent rendant le dialogue difficile. Cet état de fait sert au médecin chef et à son équipe pour demander le transfert de ce patient en Unité pour Malades Difficiles, en arguant également du fait que Mr M. qui avait été adepte de culturisme (il travaillait dans le gardiennage) s’était procuré par Internet des anabolisants et des armes. Ces derniers points ne furent jamais ni vérifiés, ni démontrés.

  Le 8 juin 2009, Mr L. Y. M. était donc transféré sous H.O, à l’Unité pour Malades Difficiles Henri Colin, du CHS Paul Guiraud de Villejuif, alors même que son état ne relevait à la base que d’une simple neuroleptisation à durée limitée liée à une négociation de son suivi, de sorte à démarrer, entre l’ équipe de soins et ce patient , une prise en charge psychiatrique classique.

  Cette situation était d’autant plus étrange que les lits en UMD (sections de force psychiatriques) sont très demandés, par les centres de détention carcéraux, par les hôpitaux, ou par les centres d’urgence, précisément pour des patients en état de dangerosité gravissime, ayant commis des passages aux actes de type criminels, ou d’une violence et d’une dangerosité telles que seule une admission en UMD s’impose. Visiblement tel n’était pas le cas de Mr M. Mais le médecin chef de la clinique Lacan de Yerres et son équipe, en avaient décidé autrement, concevant ainsi un internement abusif en UMD, et un drame humain, procédural et judiciaire, qui allait se traduire par des violations des droits fondamentaux de  l’interné, caractérisées.

  Notre association était alertée courant mai 2009 par la mère de Mr M. qui allait être tout au long de cette affaire notre interlocutrice privilégiée. Il est à noter qu’à la mi mai 2009, le Dr M.,  voyait en entretien Mr et Mme M. (père et mère) pour les convaincre du bien fondé de sa demande de transfert en UMD, en leur faisant valoir qu’à l’UMD Henri Colin, leur fils allait être pratiquement en maison de repos, qu’il allait y être très bien soigné… etc. La suite prouva à cette famille qu’en réalité s’il y a bien un enfer en France, c’est aussi bien le pavillon 38 de l’UMD Henri Colin, dont la sinistre réputation n’est plus à faire. Ce pavillon totalement fermé et très carcéral est une des pires géôles que la France connaisse. Leur fils allait être sous racket de pavillonnaires moins neuroleptisés que lui, pour ses cigarettes et l’intendance, et allait donc subir des violences  de la part de ses co pavillonnaires mais aussi une certaine maltraitance de la part des infirmiers et des soignants du pavillon. On trouve sans doute mieux comme maison de repos enchanteresse et comme promesse d’un club Méditerranée, ce qu’avait pourtant laissé entendre le Dr M.  de Yerres aux parents de Mr M. pour que ceux-ci ne s’opposent pas au transfert de leur fils en UMD.

  Le contact était donc interrompu entre Mme M. mère et nous à la mi mai 2009. Mais celle-ci finalement reprit notre attache à la fin du mois d’aout 2009, puisque visiblement cette famille avait été leurrée, et que leur fils était en train d’être liquidé au secret, pour des années voire à vie, sans plus aucun contact familial, dans le pavillon le plus fermé de l’UMD Henri Colin, avec des co pavillonnaires parmi les plus dangereux et les plus sauvages de France.

  Le GIA indiquait à Mme M. de demander la main levée immédiate de l’H.O devant le Juge des libertés et de la détention du TGI de Créteil qui tint audience sur cette demande le 18/9/2009, mettant sa décision en délibéré le 23/9/2009.

  J’avais pu pour cette affaire mobiliser Me Raphaël Mayet du barreau de Versailles, avec qui nous collaborons très fréquemment sur ces dossiers depuis une dizaine d’années. Il s’avérait lors de la consultation préalable à l’audience du dossier, que le dernier arrêté de maintien en H.O  de Mr M. du 24/8/2009, était trop tardif de 24 h, dans la chaîne des décisions préfectorales de cette H.O qui durait depuis le 24 avril 2009, et que cet arrêté de maintien pour être valide aurait du être pris, au plus tard, le 23/8/2009. Fort de cette tardiveté, Me Mayet demandait au JLD la main levée immédiate sans autre considération de fait comme de fond. En effet, en vertu de l’article L. 3213-4 du Code de la santé publique, les décisions d’internement psychiatrique sont sous l’astreinte de délais stricts qui, s’ils ne sont pas tenus, entraînent d’office la main levée des mesures de contrainte. Le JLD de Créteil ordonnait la main levée de cette H.O dans son délibéré du 23/9/2009, notifié par fax aux administrations concernées, en début d’après midi.

  D’après un compte rendu d’audience que m’avait fait Me R. Mayet, le soir même du 18/9/2009, l’équipe de l’UMD Henri Colin avait poussé très loin le bouchon, en amenant à l’audience du JLD de Créteil, pour que soit envisagée la demande de levée d’H.O formulée par sa mère, l’interné en chaussons et en pyjama d’interné, sans ses habits civils, et attaché à une ceinture de force psychiatrique. Ce qui indéniablement constituait un traitement cruel, inhumain et dégradant auquel le Juge au demeurant avait été sensible.
   
  Le Juge des libertés et de la détention de Créteil mit sa décision en délibéré à 5 jours de l’audience. Le 23 septembre, ce délibéré fut connu : main levée était donnée à Mr M. qui aurait du être libéré immédiatement de l’UMD Henri Colin. La décision fut notifiée à l’administration préfectorale et hospitalière vers 15 h. A ce point la machine s’emballe.

  Entre 15 h et 21 h, la Préfecture du Val de Marne, sous la conduite d’une inspectrice de la DDASS du Val de Marne qui supervise les arrêtés d’H.O. de cette préfecture, ordonne au CH Paul Guiraud de requérir un médecin extérieur à l’hôpital pour faire établir un certificat médical extérieur permettant d’entériner une 2ème H.O distincte de celle qui vient d’être levée par voie judiciaire. L’équipe du pavillon 38 de l’UMD Henri Colin, argue dans cette affaire de sa peur extrême de la dangerosité de Mr L. M. suivant en cela le schéma initié à la clinique de Yerres par le Dr M. Le principe de précaution l’emporte sur toute autre considération. Une dizaine de médecins extérieurs vont être contactés sans succès : ils refuseront tous de déférer à la demande de leurs confrères de l’UMD H. Colin. Jusqu’à ce qu’un psychiatre d’astreinte de SOS Psychiatrie, accepte de se déplacer à Villejuif pour faire un certificat de circonstance dont il semble que le contenu lui ait été dicté tant par la Préfecture du Val de Marne, que par ses collègues de l’UMD Henri Colin, sans qu’il ait constaté lui-même ce dont il a attesté …

  On observera qu’aucun fait nouveau ne vient établir ni la dangerosité expresse et actuelle du patient, ni non plus une quelconque aggravation de son état de santé psychiatrique. Sur ce 2ème point au contraire, un certificat médical de situation du mois précédent cette nouvelle donne atteste : «… une ébauche de prise conscience et de critique du comportement. Le délire a été rapidement stabilisé. Bonne adaptation institutionnelle et à l’organisation des soins. Pas de troubles du comportement … H.O à maintenir pour la poursuite des soins. » Dr M. B. B., cheffe de service de l’UMD Henri Colin. Non seulement la situation psycho pathologique de l’intéressé est correcte, mais l’H.O n’est plus maintenue qu’afin de pérenniser l’adhésion aux soins…

  Au soir du 23 septembre 2009, alors même que la sortie judiciaire a été accordée à l’interné, le jour même, l’hôpital et la Préfecture font établir au Dr C. médecin extérieur de SOS-Psychiatrie, un certificat médical où Mr M., cette fois, et pour la circonstance : « …se présente avec une extrême rigidité, une froideur affective et un hermétisme du discours… il est sujet à des idées délirantes mystiques, à un sentiment de persécution et un questionnement délirant sur ses origines… il ne ressent aucune culpabilité à l’égard de son comportement violent vis-à-vis de son amie… il présente une dangerosité extrême,  … ses troubles mentaux nécessitent des soins ou portent atteinte de façon grave, à l’ordre public et rendent nécessaire son hospitalisation d’office et la mise en place de protocoles intensifs et de mesures de sécurité particulières. ». En fait il apparaîtra au long des débats contradictoires dans cette 2ème affaire, que le Dr C. n’a en rien constaté lui-même l’état de fait qu’il décrit. Son certificat étant destiné à déclencher une H.O recevable formellement, elle-même destinée à entraver et contrer une décision de justice intolérable pour la Préfecture du Val de Marne  en tant qu’elle forme une libération sèche d’un interné en Unité pour malades difficiles, mais aussi pour cette même UMD qui ne peut se permettre de laisser passer un pareil précédent judiciaire.

  Le 24 septembre au matin Mme M. mère contacte le GIA par mél, et nous avise qu’une 2ème H.O a été initiée. Elle confirme son mél par un 2ème courriel de 12h31, faisant suite à un entretien téléphonique qu’elle avait pu avoir avec la médecin cheffe de l’UMD Henri Colin, et elle lance un SOS tous azimuts. Le lendemain, en accord avec Me Raphaël Mayet, nous décidons, face à cette situation qui est devenue scandaleuse, de ré initier une nouvelle demande de sortie immédiate devant le même Juge des libertés et de la détention de Créteil. Me Mayet prenant à cœur cette affaire, décide d’y consacrer son activité à temps plein, trouvant intolérable qu’un interné dont il vient d’obtenir la libération soit maintenu enfermé et traité, sur un montage qui nous semble parfaitement contestable et relever d’une voie de fait administrative. Le même jour, nous contactons la CDHP du Val de Marne qui, à travers son président, décide de lancer une investigation.

  Le 25 septembre, alors qu’en parallèle Me Raphaël Mayet lance une nouvelle saisine du Juge des libertés et de la détention de Créteil, et avise également le JLD qui vient de statuer sur cette affaire, le Président de la CDHP du Val de Marne, ainsi qu’un psychiatre hospitalier membre de cette CDHP se rendent au CH Paul Guiraud Villejuif, et à l’UMD Henri Colin, et demandent à auditionner, en tant qu’autorité de contrôle départementale des hospitalisations psychiatriques (ce qu’est une CDHP), les protagonistes de cette affaire.

  Je renvoie sur ce point au rapport de visite annexé au présent texte qui, long de 4 pages, est tout à fait éloquent. Je précise que le Président de la CDHP du Val de Marne, Mr Antoine Dubuisson, par ailleurs membre du GIA, représente les usagers dans cette CDHP au titre de la FNAPSY. Et que deux mois et demi après cette inspection, la Présidente de cette fédération d’associations de patients décida de mettre fin à ce mandat de représentation, puisque Mr A. Dubuisson qui était jusque là son représentant, entendait manier le droit donc la procédure, et faire valoir les droits concrets des patients, en contradiction avec la ligne de cette fédération partisane d’une stricte collaboration avec les institutions et de ce que ses représentants dans les institutions ne fassent aucune vague surtout judiciaire, en regard de l’administration comme des médecins et des équipes …

  La 2ème ordonnance prise par la Juge des libertés et de la détention de Créteil dans cette affaire, le 9 novembre 2009, également annexée au présent texte, est explicite. Tout d’abord il ne s’agit pas du même juge qui a ordonné la main levée sur tardiveté de l’arrêté d’H.O, le 23 septembre 2009, et ce Juge des libertés et de la détention tend à protéger l’Administration. Elle rejette donc la nouvelle demande de main levée, tout en prônant, suivant en cela le rapport de l’expert psychiatre qu’elle avait commis, un transfert de Mr M. de l’UMD Henri Colin vers de nouveau son établissement d’origine (Yerres, en Essonne), avec instauration de sorties d’essai, de sorte à aller progressivement vers une main levée de l’H.O. Les sorties d’essai seront acquises début 2010. La main levée de l’H.O sera donnée à la fin du mois d’avril 2010, alors que cette H.O avait un an d’ancienneté.

  Mais en fait, pour qu’on vienne à ce point qui, malgré ce débouté du 9 novembre 2009, constituait une nette amélioration, il avait fallu l’irruption de la CDHP du Val de Marne qui, dans sa visite de contrôle du 25 septembre, s’était faite ouvrir les registres de l’établissement comme les dossiers de Mr M. mais également avait auditionné tant les administratifs que les psychiatres parties prenantes de cette affaire, dont la médecin chef de l’UMD comme le psychiatre extérieur qui avait établi le certificat de circonstance permettant d’étayer cette 2ème H.O, mais aussi l’interné lui-même, avec qui, enfin, une discussion ouverte avait pu être menée.

  La CDHP du Val de Marne avait également obtenu le transfert dés le lendemain de sa visite de Mr M. du pavillon 38 de l’UMD vers le pavillon 37 beaucoup moins carcéral, et un rétablissement des droits usuels pour une personne hospitalisée sous contrainte en psychiatrie, dont un rétablissement des droits de visite des parents à leur fils interné. En pratique, Mr M. voyait son régime s’assouplir dés le 26 septembre, et son élargissement progressif se faire.

 On notera également que pour consacrer cet élargissement, il fallut aussi l’audience  du 28 octobre 2009, devant un autre Juge des libertés et de la détention de Créteil que celui qui avait ordonné la levée de l’H.O le 23 septembre précédent sur tardiveté. Cette autre magistrate  statuant une nouvelle fois sur cette affaire, en 2ème saisine, auditionna le requérant – qui arriva à l’audience normalement encadré, avec cette fois ses habits civils pas en pyjama d’interné, et sans entraves spéciales - ses parents, Me Mayet pour la défense de l’interné et de ses parents, Mme H., inspectrice de la DDASS du Val de Marne pour le compte de la Préfecture du Val de Marne, mais aussi Mr A. Dubuisson en tant que Président de la CDHP du Val de Marne. Cette audience qui dura tout de même 1h15 et qui fut passablement houleuse, permit de prendre acte d’un certain recul sur position de la Préfecture du Val de Marne, celle-ci argumentant qu’elle avait fait donner une nouvelle H.O suite à la décision de main levée judiciaire précisément parce qu’il s’agissait d’un internement en UMD, endroit stratégique s’il en est au plan sécuritaire et politique, et qu’il avait été hors de question pour l’Administration de céder du terrain sur un pareil internement. Néanmoins une normalisation de cette situation était clairement envisagée lors cette audience.

  La décision de débouté de la JLD de Créteil du 9 novembre 2009 n’en est pas moins intéressante sur deux points :

-         Tout d’abord si l’ordonnance décrit les éléments de doute sur le bien fondé de cette 2ème H.O pour finir par conclure au bien fondé de l’internement et au rejet de la demande de main levée, elle n’en donne pas moins des indications sur un régime transitoire d’amélioration à amener de la situation de l’interné.

-         Quant à la situation hors droit dans laquelle Mr M. et l’administration se sont trouvées le 23/9/2009, entre 15h21, et 21h42 ; soit entre la notification par télécopie de l’ordonnance de sortie immédiate d’H.O à la Préfecture du Val de Marne mais aussi au CH Paul Guiraud Villejuif, et la transmission par télécopie de l’arrêté de la 2ème H.O… Les requérants demandent au JLD de la caractériser comme une « voie de fait ». la Juge des libertés et de la détention de Créteil, qui sera en cela suivie par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt confirmatif du 16 avril 2010, décline sa compétence, en se basant sur la séparation des pouvoirs, et en renvoyant les intéressés à se pourvoir devant la juridiction administrative, sur le refus de l’autorité préfectorale d’exécuter la décision du JLD de Créteil du 23 septembre. Or, précisément à supposer que la juridiction administrative aurait été saisie, par exemple en référé, d’une telle situation, cette juridiction n’aurait pu également que se déclarer incompétente, dans la mesure où il s’agissait du refus d’exécuter une décision judiciaire d’un magistrat du siège. On voit mal dans de pareilles conditions comment la juridiction administrative juge des illégalités de l’administration aurait pu se considérer comme compétente sur un tel aspect de cette affaire.

  Mais il en va ainsi des contradictions propres à l’internement psychiatrique français, qui est administratif quant à la prise de décision et non de nature judiciaire. Et si dans cette affaire le requérant a pu, malgré tout, se faire entendre, parce qu’aiguillé sur un avocat spécialisés et vers des personnes issues de cadres organisés, compétentes sur le terrain en jeu, d’autres requérants n’ont certainement pas eu cette possibilité. Ce genre d’impasse étant typiquement issue du cadre administratif de l’internement psychiatrique tel que la France le pratique et le pérennise depuis près de deux siècles, en refusant de judiciariser ce cadre et de renforcer en conséquence les voies de recours des internés.

  Le 27 novembre 2009, Mr M. était transféré dans son établissement de départ à Yerre. Il avait été donc interné en UMD 5 mois et demi. La situation redevenait à peu près normale. Des sorties d’essai étaient instaurées peu après, la sortie définitive acquise fin avril 2010, au bout d’un an d’internement d’office.

  L’affaire de Mr M. reste actuellement pendante en annulation devant les tribunaux administratifs. Des annulations d’arrêtés vont très probablement intervenir, qui permettront de clore ce contentieux par une saisine du juge civil à fin d’indemnisation.

  Depuis que sa sortie lui a été accordée, soit depuis 6 mois,  on observera que Mr M. se stabilise vaille que vaille, mais qu’il reste profondément traumatisé par l’épreuve de ce que fut son internement, étant précisé que si nous n’intervenions pas dans cette affaire, il s’agissait d’un internement de plusieurs années avec une chronicisation éventuellement à vie.

  Je clos cette description, les pièces annexées étant suffisamment éloquentes, mais je tiens néanmoins à poser à l’occasion de cette affaire ces questions :

 Trouvez-vous ce genre de situations normales, sachant qu’en France, dans les institutions psychiatriques, ce genre de drames, est tout à fait courant.

  Que pouvons nous faire pour mettre un frein, encadrer, et contre carrer la logique de ce genre de drames?

  Y a-t-il lieu de laisser persister tout un black out qui pèse sur ce genre de violations des droits fondamentaux? N’est-il pas grand temps d’organiser une lutte d’ensemble contre de telles violations et le système qui les autorise, et de coordonner nos forces ?
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Pièces jointes :
-         Rapport de visite de la CDHP du Val de Marne, 25/9/2009.
-         Ordonnance du JLD de Créteil, 9/11/2009.
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Principaux sigles :

CDHP : Commission Départementale des Hospitalisations Psychiatriques.
CH : Centre hospitalier.
DDASS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales.
H.O : Hospitalisation d’office.
JLD : Juge de la liberté et de la détention.
UMD : Unité pour malades difficiles.



Condamnation de la France pour internement psychiatrique illégal et arbitraire.

   Trouvez ci après un arrêt pris ce jour par la Cour Européenne des droits de l'Homme, dans une affaire Claude Baudoin (ancien adhérent du GIA, dont le dossier a été défendu par Ph. Bernardet, avant la mort de celui ci en 2007). La CEDH condamne la France dans un de ses motifs pour absence de possibilité effective de faire statuer à bref délai sur la légalité de l'internement psychiatrique en jeu. En effet dans cette affaire, le requérant n'a cessé d'obtenir l'annulation des arrêtés d'H.O successifs le concernant devant la juridiction administrative sans que pour autant sa sortie d'H.O ne lui soit accordée par le juge judiciaire.

  Ce genre d'impasse est typiquement due à la dualité de compétences juridique propre au domaine de l'internement psychiatrique français, et donc au fait qu'en France l'internement est administratif et non judiciaire.
  Cet arrêt prend une certaine importance en regard du projet de réforme de l'HSC toujours inscrit par le Gvnmt à l'assemblée nationale.
 André Bitton. Tel: 01 47 63 05 62. mél: andre.bitton2@orange.fr
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La France condamnée à Strasbourg pour un internement de 27 ans

STRASBOURG (Reuters) - Un ancien détenu de 65 ans, interné d'office en hôpital psychiatrique depuis 27 ans, a fait condamner la France pour détention arbitraire jeudi devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Condamné à vingt ans de prison en 1975 pour un assassinat et une tentative, Claude Baudoin a été placé dans un hôpital psychiatrique de Gironde dès 1983 et n'en est ressorti, en 1998, que pour être de nouveau interné six mois plus tard.
Depuis, l'ancien détenu n'a eu de cesse de contester tant la légalité que le bien fondé de la mesure dont il fait l'objet.
S'il a pu faire annuler tous les arrêtés prononçant puis reconduisant son internement, de 1998 à 2004, pour des vices de forme constatés par le tribunal administratif, il n'a jamais pu obtenir sa liberté devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.
La Cour de Strasbourg ne se prononce pas sur le fond mais sur cette contradiction pour constater une violation du droit de toute personne détenue à "introduire un recours devant un tribunal" pour qu'il statue sur la légalité de sa détention.
Elle "ne peut que constater que les actes successifs fondant la privation de liberté du requérant ont été annulés par les juges administratifs, sans que jamais l'intéressé n'obtienne une décision des tribunaux judiciaires mettant fin à la mesure d'hospitalisation".
La juridiction du Conseil de l'Europe estime également que la justice n'a pas statué sur les demandes de remise en liberté du requérant dans le "bref délai" prescrit en la matière par la Convention européenne des droits de l'homme.
La procédure la plus courte devant le juge des libertés et de la détention a duré plus de quatre mois.
Claude Baudoin, qui est actuellement hospitalisé à l'unité pour malades difficiles du centre hospitalier spécialisé de Plouguernével (Côtes d'Armor), obtient 20.000 euros en réparation de son dommage moral.
L'arrêt est susceptible d'appel.
Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse
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CINQUIÈME SECTION






AFFAIRE BAUDOIN c. FRANCE

(Requête no 35935/03)






ARRÊT



STRASBOURG

18 novembre 2010







Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Baudoin c. France,
La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
       Peer Lorenzen, président,
       Jean-Paul Costa,
       Karel Jungwiert,
       Rait Maruste,
       Mark Villiger,
       Isabelle Berro-Lefèvre,
       Mirjana Lazarova Trajkovska, juges,
       Stephen Phillips, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 octobre 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 35935/03) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Claude Baudoin (« le requérant »), a saisi la Cour le 13 août 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant était à l'origine représenté par M. P. Bernardet, sociologue à la Fresnaye-sur-Chédouet. A la suite du décès de ce dernier, survenu le 14 avril 2007, le président de la chambre a autorisé M. A. Lezeau, retraité, résidant à Mulhouse, à assurer la représentation du requérant devant la Cour pour la suite de la procédure. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères.
3.  Le requérant alléguait notamment que son maintien sous un régime d'hospitalisation forcée n'était pas conforme aux dispositions de l'article 5 §§ 1 e) et 4.
4.  Par une décision du 27 septembre 2007, la Cour a déclaré la requête partiellement recevable.
5.  Faisant suite à la réouverture des débats demandée par le Gouvernement et accordée par la Cour le 15 décembre 2009, tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement).
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
6.  Le requérant est né en 1945 et est actuellement hospitalisé à l'unité pour malades difficiles (UMD) du centre hospitalier spécialisé (CHS) de Plouguernével.
7.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
8.  Le 3 décembre 1975, le requérant fut condamné par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône à une peine de vingt ans de réclusion criminelle pour assassinat et tentative d'assassinat. En 1983, il fit l'objet d'un internement d'office à l'unité pour malades difficiles du CHS de Montfavet. Par un arrêt du 15 janvier 1998, la cour d'appel de Nîmes décida de le remettre en liberté. Cependant, à la suite d'une altercation avec le gardien d'un établissement hospitalier de Bordeaux, où il avait été hospitalisé pendant quelques jours pour un problème de santé bénin, il fut appréhendé par les services de police et de nouveau hospitalisé pour un mois au CHS de Cadillac‑sur‑Garonne, par un arrêté préfectoral du 16 juillet 1998.
9.  Le 12 août 1998, un nouvel arrêté reconduisit la mesure d'hospitalisation d'office pour une durée de trois mois à compter du 15 août suivant. Elle fut par la suite renouvelée par des arrêtés préfectoraux émis les 13 novembre 1998, 14 mai et 15 novembre 1999, 15 mai et 15 novembre 2000, 14 mai et 13 novembre 2001, 14 mai, 14 juin et 14 novembre 2002, 14 novembre 2003, 17 mai (jusqu'à l'annulation du 21 octobre – paragraphe 20 ci-dessous), 9 novembre, 10 novembre et 7 décembre 2004, ainsi que les 10 mars, 9 septembre et 21 octobre 2005.
10.  Afin d'obtenir la mainlevée de la mesure d'hospitalisation d'office prise à son encontre, le requérant saisit les juridictions internes de trois types de recours. Devant le juge administratif, il introduisit d'une part des recours en annulation des arrêtés reconduisant la mesure d'internement et, d'autre part, plusieurs recours en référé-suspension, en vertu de l'article L. 521-1-12 du code de justice administrative (paragraphe 70 ci‑dessous), afin d'obtenir la suspension de l'exécution de ces arrêtés. Il saisit également, à trois reprises, le juge judiciaire de demandes de sorties immédiates sur le fondement de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique (paragraphe 67 ci-dessous).
11.  A la suite de certaines difficultés rencontrées avec le personnel hospitalier de l'UMD de Cadillac, le requérant fut transféré le 27 octobre 2005 au CHS de Sarreguemines. Le 7 janvier 2008, il fut de nouveau transféré à l'UMD du CHS de Cadillac, puis le 16 février 2010 vers l'UMD du CHS de Plouguernével, où il est toujours hospitalisé à l'heure actuelle.
1.  Les recours en annulation introduits par le requérant à l'encontre des arrêtés ordonnant ou reconduisant la mesure d'internement
a)  Le recours en annulation des arrêtés des 16 juillet et 12 août 1998
12.  Le 19 août 1998, le requérant saisit le tribunal administratif de Bordeaux d'un recours visant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 1998 portant hospitalisation d'office et de l'arrêté du 12 août 1998 portant reconduction de la mesure d'hospitalisation.
13.  Par un jugement du 24 avril 2001, le tribunal administratif débouta le requérant. Il estima notamment que la méconnaissance par le préfet de son obligation d'informer le requérant de la mesure de placement d'office se rapportait à l'exécution de cette mesure, et ne pouvait donc être sanctionnée par le juge administratif. En conséquence, le fait que le préfet ait omis d'indiquer les modalités d'information de l'intéressé dans les deux arrêtés litigieux n'avait pas d'incidence sur la légalité externe de ces arrêtés.
14.  Saisie par le requérant, la cour administrative d'appel de Bordeaux rendit une première ordonnance le 21 octobre 2004, informant les parties de ce que l'instruction relative à ce recours serait close le 22 novembre 2004. Le 16 novembre 2004, elle rendit une nouvelle ordonnance reportant la date de clôture de l'instruction au 1er décembre 2004.
15.  Par un arrêt du 17 mai 2005, la cour administrative d'appel de Bordeaux annula les arrêtés des 16 juillet et 12 août 1998.
b)  Le recours en annulation des arrêtés des 13 novembre 1998, 14 mai et 15 novembre 1999, 15 mai et 15 novembre 2000, 14 mai et 13 novembre 2001, 14 mai et 14 juin 2002
16.  Le 10 mai 2002, le requérant saisit le tribunal administratif de Bordeaux d'un recours en annulation des arrêtés des 13 novembre 1998, 14 mai et 15 novembre 1999, 15 mai et 15 novembre 2000, 14 mai et 13 novembre 2001. Le 18 juillet 2002, il introduisit un recours identique visant les arrêtés des 14 mai et 14 juin 2002. A l'appui de ce dernier recours, il formula également une demande de sortie immédiate.
17.  Par un jugement du 10 avril 2003, le tribunal administratif de Bordeaux annula les arrêtés attaqués pour vice de forme, relevant, notamment, que le certificat médical fondant l'internement n'était pas joint à chacun de ces arrêtés lors de leur notification à l'intéressé, comme l'exige la jurisprudence du Conseil d'Etat (voir ci-dessous partie « droit et pratique internes pertinents »). Il condamna l'Etat à verser 800 euros (EUR) au requérant au titre des frais irrépétibles, mais rejeta la demande de sortie immédiate. Il releva en effet que, si le juge administratif était compétent pour statuer sur l'illégalité externe d'une décision reconduisant un internement et, le cas échéant, d'en prononcer l'annulation pour ce motif, l'existence de la voie de recours, prévue à l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, dont disposait le requérant devant le juge judiciaire s'opposait à ce que l'intéressé présente des conclusions tendant à ce que le tribunal administratif enjoigne au préfet et à l'hôpital de le laisser sortir.
18.  Il ne ressort pas du dossier qu'un recours ait été introduit afin de contester ce jugement.
c)  Le recours en annulation des arrêtés des 14 novembre 2002 et 17 mai 2004
19.  Le 27 novembre 2002, le requérant forma un recours en annulation de l'arrêté du 14 novembre 2002. Le 17 juin 2004, il introduisit un recours en annulation de l'arrêté du 17 mai 2004 et sollicita en outre sa sortie immédiate.
20.  Par un jugement du 21 octobre 2004, le tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur les deux recours, procéda à leur jonction. Renvoyant à son jugement du 10 avril 2003 (paragraphe 17 ci-dessus), il constata que l'annulation des arrêtés des 14 mai et 14 juin 2002 avait pour effet de faire regarder comme n'étant jamais intervenue la reconduction qu'ils prononçaient, de sorte que, l'administration n'ayant pas régularisé la situation en reprenant une décision initiale d'hospitalisation d'office, les arrêtés attaqués (des 14 novembre 2002 et 17 mai 2004), qui reconduisaient une mesure privée de base légale, ne pouvaient dès lors qu'être annulés. Il condamna l'Etat à verser au requérant la somme de 800 EUR. Le tribunal rejeta de nouveau la demande de sortie immédiate selon une motivation similaire à celle qu'il avait développée dans son jugement du 10 avril 2003. Il releva en effet que la voie de recours, prévue à l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, dont disposait l'intéressé devant le juge des libertés, s'opposait à ce que le requérant présente, dans le cadre du recours pour excès de pouvoir contre un arrêté prononçant le maintien de son hospitalisation d'office, des conclusions tendant à ce que, par application des pouvoirs qui lui sont conférés aux articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, le tribunal administratif enjoigne à l'autorité préfectorale de prononcer sa sortie. Le tribunal en déduisit que par suite ces conclusions étaient irrecevables et devaient être rejetées « sans que puisse utilement faire obstacle l'invocation des articles 5 § 4 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquels n'imposent pas que la sortie soit prononcée par la juridiction administrative plutôt que par la juridiction judiciaire ».
21.  Il ne ressort pas du dossier que ce jugement ait été frappé d'appel.
d)  Le recours en annulation de l'arrêté du 14 novembre 2003
22.  Le 2 décembre 2003, le requérant saisit le tribunal administratif de Bordeaux d'un recours en annulation de l'arrêté du 14 novembre 2003. Il sollicita en outre sa sortie immédiate.
23.  Par un jugement du 9 décembre 2004, le tribunal administratif de Bordeaux annula l'arrêté attaqué, condamna l'Etat à verser au requérant 1 000 EUR au titre des frais irrépétibles, mais rejeta la demande de sortie immédiate présentée par l'intéressé. Ce jugement fut motivé de manière identique à celui du 21 octobre 2004 (paragraphe 20 ci-dessus) et ne fit apparemment l'objet d'aucun recours.
e)  Les autres recours en annulation introduits par le requérant
24.  Par des demandes des 6 décembre 2004, 25 janvier 2005, 19 mars 2005, 9 septembre 2005 et 23 octobre 2005, le requérant saisit le tribunal administratif de Bordeaux de recours en annulation respectivement des arrêtés des 9 novembre 2004, 7 décembre 2004, 10 mars 2005, 9 septembre 2005 et 21 octobre 2005, lesquels renouvelèrent à intervalles réguliers la mesure d'hospitalisation d'office prise à l'encontre du requérant.
25.  Le requérant ne donne pas d'informations supplémentaires sur ces recours.
2.  Les demandes de sortie immédiate introduites par le requérant
a)  La procédure introduite le 28 juillet 1998
26.  Le 28 juillet 1998, le requérant formula une première demande de sortie immédiate en vertu de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique (paragraphe 67 ci-dessous) en saisissant en référé le tribunal de grande instance de Bordeaux. Par une ordonnance du 14 août 1998, le tribunal désigna deux médecins en qualité d'experts afin d'examiner l'intéressé. Le rapport d'expertise fut remis au tribunal le 10 décembre 1998. Par une ordonnance de référé rendue le 20 janvier 1999, le tribunal de grande instance de Bordeaux rejeta la demande du requérant. Celui-ci interjeta appel le 4 février 1999.
27.  Le 15 mars 2000, la cour d'appel de Bordeaux, statuant avant dire droit sur l'appel du requérant, ordonna une nouvelle expertise et commit deux médecins pour y procéder. Le 13 décembre 2000, elle constata que les experts n'avaient pas respecté le principe du contradictoire dans le cadre de leur mission d'expertise, et en désigna deux autres.
28.  Dans leur rapport remis le 15 juin 2001, les deux médecins considérèrent que le requérant ne présentait plus les caractères cliniques correspondant au placement en hospitalisation d'office.
29.  Par un arrêt rendu le 14 novembre 2001, la cour d'appel de Bordeaux sursit à statuer et ordonna une nouvelle expertise du requérant par les mêmes experts. Ceux-ci examinèrent le requérant le 8 avril 2002.
30.  Par un arrêt rendu le 30 mai 2002, la cour d'appel de Bordeaux confirma finalement l'ordonnance du 20 janvier 1999 sur la base de la nouvelle expertise médicale, selon laquelle l'état du requérant, après une phase d'évolution favorable, s'était de nouveau dégradé au point que l'intéressé avait fait preuve d'un comportement agressif et violent qui ne permettait plus d'envisager sa sortie de l'hôpital.
31.  Le 20 juin 2002, le requérant déposa une demande d'aide juridictionnelle devant le bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en vue de se pourvoir en cassation contre cet arrêt.
32.  Le 24 avril 2003, le bureau d'aide juridictionnelle refusa de lui accorder l'aide juridictionnelle au motif qu'il n'entendait soumettre à l'examen de la haute juridiction aucun moyen de cassation sérieux. Saisi par le requérant le 10 mai 2003, le premier président de la Cour de cassation confirma cette décision le 13 février 2004.
b)  La procédure introduite le 2 juin 2004
33.  Le 2 juin 2004, le requérant saisit le juge des libertés et de la détention d'une nouvelle demande de sortie immédiate.
34.  Par une ordonnance du 7 décembre 2004, le juge commit deux experts aux fins d'examiner le requérant.
35.  Dans des lettres en date des 11 et 16 mars 2005 adressées au juge des libertés et de la détention, le requérant fit valoir que, si l'arrêté du 7 décembre 2004 avait reconduit pour trois mois son hospitalisation à compter du 10 décembre 2004, aucun arrêté de renouvellement de placement n'avait encore été émis à la date du 11 mars 2005. Il souligna à cet égard que, conformément à l'article L. 3213-4 du code de la santé publique (paragraphe 64 ci-dessous), une mesure de renouvellement devait intervenir dans les trois jours précédant l'expiration de la mesure antérieure, faute de quoi la mainlevée de la mesure d'hospitalisation était acquise.
36.  Le 16 mars 2005, le requérant reçut un arrêté daté du 10 mars 2005 reconduisant la mesure d'hospitalisation. Il le transmit au juge des libertés et de la détention.
37.  Le rapport d'expertise fut déposé le 29 juin 2005.
38.  Par un jugement du 30 juin 2005, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Bordeaux ordonna la sortie immédiate du requérant, aux motifs suivants :
« Considérant (...) qu'il y a manifestement une hospitalisation sans titre entre le 21 octobre 2004 et le 9 novembre 2004, qu'ainsi la mainlevée de l'hospitalisation d'office était acquise depuis le 21 octobre 2004 ; (...) [qu'en ce qui concerne] le dernier renouvellement de Monsieur le préfet, soit le 10 mars 2005, il est patent que celui-ci a été renouvelé postérieurement aux quantièmes du 9 novembre 2004, (...) qu'en conséquence on se trouvait pendant au moins 24 heures sans titre, et que dès lors en application du deuxième alinéa de l'article L. 3213-4 du code de la santé publique, la mainlevée de l'hospitalisation est acquise.
(...) force est de constater que l'expertise psychiatrique [du requérant] du 29 juin 2005 fait clairement ressortir l'absence de dangerosité habituelle d'un paranoïaque délirant (...) que l'évolution [du requérant] et l'appréciation de sa dangerosité sont littéralement parasitées et empoisonnées par vingt ans de relations institutionnelles conflictuelles, qu'il serait hautement souhaitable que [le requérant] et le médecin sortent de cette dialectique viciée, que tous les éléments sur une éventuelle dangerosité ne sont fondés que sur l'historicité de la trop longue hospitalisation [du requérant] et qu'il n'existe à ce jour aucun élément sur sa dangerosité, y compris dans les événements cliniques de ces dernières années ;
Qu'enfin le seul argument qui pourrait militer dans une courte prorogation de son hospitalisation résiderait dans le paradoxe suivant : son hospitalisation d'office n'est pas fondée mais la sortie rapide de cet état de fait pourrait entraîner un éventuel passage à l'acte au regard de sa vulnérabilité, que cette vulnérabilité semble toute relative, que les projets [du requérant] sont cohérents et que suivre ce paradoxe ce serait avaliser une procédure d'hospitalisation d'office qui a certainement été justifiée à une époque plutôt lointaine, mais dont les raisons objectives pour ces dernières années sont difficiles à trouver. (...) »
39.  Le 1er juillet 2005, le ministère public interjeta appel de ce jugement et saisit le premier président de la cour d'appel de Bordeaux, aux fins d'en faire arrêter l'exécution provisoire. Le même jour, l'arrêt de l'exécution provisoire fut ordonné et le requérant, qui était sorti dans la matinée du centre hospitalier de Cadillac, y fut reconduit dans la nuit du 1er au 2 juillet.
40. Par un arrêt du 8 juillet 2005, la cour d'appel de Bordeaux annula la décision attaquée, en raison d'un défaut d'équité de la procédure allégué par le préfet, et rejeta la demande de sortie du requérant, aux motifs suivants :
« (...) Attendu que l'appréciation du moyen tiré de l'irrégularité des arrêtés préfectoraux des 9 novembre 2004 et 7 décembre 2004 (...) et de l'arrêté préfectoral du 10 mars 2005 pour défaut de renouvellement à l'issue du délai fixé dans un arrêté antérieur, n'est pas de la compétence du juge civil mais de celle du juge administratif ; que seul ce dernier est compétent pour statuer sur les délais séparant les décisions administratives, la régularité des procédures et de leurs notifications ; (...) que dès lors qu'à la date à laquelle le premier juge a statué, M. Baudoin était placé d'office en exécution d'un arrêté préfectoral du 10 mars 2005 portant reconduction d'une mesure d'hospitalisation d'office pour une durée de six mois à compter du 11 mars 2005, aucune voie de fait ne peut être retenue, le comportement de l'administration n'étant pas manifestement insusceptible de se rattacher à l'exécution d'un texte législatif ou réglementaire ;
(...) Attendu que les experts L. et E. retiennent que M. Baudoin présente toujours une organisation de personnalité paranoïde avec une humeur exaltée et hypomaniaque et une indiscutable sténécité dans sa défense mais sans critère inquiétant par rapport à la dangerosité habituelle d'un paranoïaque délirant et que s'il n'y a pas de tendance aux passages à l'acte agressifs itératifs de nature prévisible par les perspectives cliniques ou qu'on puisse redouter de façon inopinée par une dissimulation ou une impénétrabilité ou des allusions quelconques, il existe encore chez M. Baudoin un noyau abandonnique très fort avec un comportement provoquant à une relation sado‑masochique qu'il a le génie pour maintenir sans désemparer ; que les experts soulignent également que le requérant est vulnérable sur le plan de la réalité et qu'il est à craindre que la disparition de l'étayage que représente son combat contre l'hospitalisation d'office le laisse démuni sur le plan personnel et social et ne le pousse paradoxalement aux passages à l'acte dont il a donné exemple en 1998 lors de sa sortie précédente, ce qui les amène à préconiser des sorties d'essai et des aménagements thérapeutiques avec maintien des garanties et la protection de l'hospitalisation sans consentement ; (...) que si l'on peut relever une évolution positive tenant à l'absence au jour de l'examen par les experts de tendance aux passages à l'acte agressifs itératifs de nature prévisible, non seulement l'organisation de la personnalité demeure paranoïde mais encore cet examen a été réalisée alors que Claude Baudoin bénéficiait de soins adaptés à cette personnalité, soins dont l'intéressé conteste l'utilité ;
Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure que M. Baudoin s'est toujours opposé aux mesures d'encadrement médical indispensables en cas de sortie ; que l'arrêt (...) du 14 novembre 2001 le relevait à l'époque ; que les experts notent dans leur rapport du 29 juin 2005 l'acharnement de Claude Baudoin à obtenir de rendre caduques les décisions médicales et recommandent à celui-ci de s'aider lui-même et de baisser un peu la garde et de collaborer au traitement en commençant un véritable projet de vie extérieur ; que l'on peut noter en 2005 que sur six sorties thérapeutiques proposées, M. Baudoin en a refusé quatre ; que le comportement qualifié par lui d'adapté dont fait état M. Baudoin dans ses conduites le 1er juillet 2005, jour de sa sortie, ne porte que sur quelques heures et que l'errance qui l'a amené à se réfugier dans un commissariat de police est de nature à confirmer l'appréciation des experts sur la vulnérabilité du sujet ainsi que le risque de passages à l'acte ; (...) »
41.  Le requérant forma une demande d'aide juridictionnelle, près le bureau institué à cet effet près la Cour de cassation, afin de se pourvoir contre cet arrêt. Il n'a pas fourni d'autres précisions sur les suites de cette procédure.
c)  La procédure introduite le 19 octobre 2005
42.  Le 19 octobre 2005, le requérant saisit le juge des libertés et de la détention d'une demande de sortie immédiate. Cette demande fut rejetée par une ordonnance du 26 octobre 2005, dont le requérant interjeta appel.
43.  Par un arrêt du 20 février 2006, la cour d'appel de Bordeaux le débouta pour les raisons suivantes :
« (...) Attendu [que] le maintien en hospitalisation [du requérant] après que le juge administratif eut prononcé la suspension de l'arrêté du 9 septembre 2005 pour des raisons de pure forme avant que le préfet de la Gironde ne prenne un nouvel arrêté le 21 octobre 2005 en raison de l'état de santé [du requérant] ne saurait davantage justifier aujourd'hui sa remise en liberté immédiate ;
Attendu qu'en ce qui concerne cet état de santé, si les experts (...) relèvent dans leur rapport du 29 juin 2005 que [le requérant] ne présente pas de critère inquiétant par rapport à la dangerosité habituelle d'un paranoïaque délirant, ils n'en retiennent pas moins qu'il est vulnérable sur le plan de la réalité et qu'il est à craindre que la disparition de l'étayage que représente son combat contre l'hospitalisation d'office le laisse démuni sur le plan personnel et social et ne le pousse paradoxalement aux passages à l'acte dont il a donné un exemple lors de sa sortie précédente en 1998, ce qui caractérise bien sa dangerosité ; que les experts ajoutent « il apparaît plus sage, alors que son régime s'élargit progressivement avec des sorties d'essai accompagnées, d'avoir recours à des sorties d'essai, à des aménagements thérapeutiques et éventuellement une évolution vers l'hospitalisation sur demande d'un tiers, en maintenant les garanties et la protection de l'hospitalisation sans consentement » ; qu'ainsi les experts psychiatres considèrent bien l'hospitalisation [du requérant] justifiée par son état de santé ; (...) »
44.  Il ne ressort pas du dossier qu'un recours ait été introduit afin de contester cet arrêt.
45.  Le requérant indique avoir introduit une nouvelle requête en sortie immédiate le 27 août 2007 auprès du tribunal de grande instance de Sarreguemines, mais ne donne pas de détails sur cette procédure.
3.  Les recours en référé-suspension introduits par le requérant à l'encontre des arrêtés portant reconduction de la mesure d'internement
a)  Les arrêtés des 14 mai et 14 juin 2002
46.  Le 17 juillet 2002, le requérant demanda au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de suspendre l'exécution des arrêtés des 14 mai et 14 juin 2002. Il sollicita également sa sortie immédiate.
47.  Par une ordonnance du 19 juillet 2002, le tribunal administratif de Bordeaux rejeta sa requête, estimant qu'il ressortait des pièces du dossier, et notamment de l'arrêt rendu le 30 mai 2002 par la cour d'appel de Bordeaux (paragraphe 30 ci-dessus) que l'état de santé de l'intéressé était de nature à compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, et que la condition d'urgence n'était pas remplie.
48.  Le 6 août 2002, le requérant se pourvut devant le Conseil d'Etat aux fins d'annulation de l'ordonnance. Par un arrêt du 6 décembre 2002, la haute juridiction déclara le pourvoi du requérant non admis.
b)  L'arrêté du 9 novembre 2004
49.  Le 6 décembre 2004, le requérant demanda au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de suspendre l'exécution de l'arrêté du 9 novembre 2004. Il sollicita également sa sortie immédiate.
50.  Par une ordonnance du 8 décembre 2004, le tribunal administratif de Bordeaux rejeta sa demande, relevant notamment que si le juge administratif était compétent pour connaître de la régularité de la décision ordonnant un internement dans un établissement psychiatrique, il n'appartenait qu'à l'autorité judiciaire d'apprécier la nécessité de cette mesure et les conséquences pouvant en résulter. Le tribunal conclut que, quoi qu'il en fût, les moyens du requérant ne semblaient pas « de nature à faire peser un doute sérieux quant à la légalité » de l'arrêté contesté.
51.  Il ne ressort pas du dossier qu'un recours ait été introduit afin de contester cette ordonnance.
c)  L'arrêté du 7 décembre 2004
52.  Le 1er février 2005, le requérant saisit d'un nouveau recours en référé le tribunal administratif de Bordeaux aux fins de suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 décembre 2004.
53.  Par une ordonnance du 3 février 2005, ce recours fut rejeté par le tribunal administratif de Bordeaux, pour des motifs similaires à ceux qu'il avait développés dans son ordonnance du 8 décembre 2004 (paragraphe 50 ci-dessus).
54.  Le 25 février 2005, le requérant saisit le bureau d'aide juridictionnelle près le Conseil d'Etat aux fins de se pourvoir en cassation contre cette ordonnance. Sa demande d'aide juridictionnelle fut rejetée le 11 mars 2005. Cette décision fut confirmée par une ordonnance du président de la section du contentieux en date du 18 juillet 2005.
d)  L'arrêté du 10 mars 2005
55.  Le 19 mars 2005, le requérant saisit le tribunal administratif de Bordeaux d'un recours en référé en vue d'obtenir la suspension de l'exécution de l'arrêté du 10 mars 2005.
56.  Par une ordonnance du 29 mars 2005, ce recours fut rejeté par le tribunal administratif de Bordeaux, au motif qu'il n'apparaissait pas que l'urgence justifiât la suspension de l'arrêté litigieux.
57.  Il ne ressort pas du dossier que le requérant ait contesté cette ordonnance en appel.
e)  L'arrêté du 9 septembre 2005
58.  Le 15 septembre 2005, le requérant forma un recours, reçu par le tribunal administratif de Bordeaux le 17 septembre 2005, en vue d'obtenir la suspension de l'exécution de l'arrêté du 9 septembre 2005.
59.  Par une ordonnance du 14 octobre 2005, le tribunal administratif de Bordeaux accueillit le recours du requérant. Il estima notamment qu'eu égard aux effets d'une mesure de reconduction d'hospitalisation d'office qui portait atteinte de manière grave et immédiate à la situation du requérant, la condition d'urgence devait être considérée comme remplie. Il indiqua ensuite que l'insuffisance de motivation de l'arrêté et le fait qu'aucun certificat médical n'accompagnait sa notification, étaient de nature à « créer un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ».
60.  Il ne ressort pas du dossier que cette ordonnance ait fait l'objet d'un recours.
f)  L'arrêté du 21 octobre 2005
61.  Le 28 octobre 2005, le requérant saisit le tribunal administratif de Bordeaux d'un recours en référé en vue d'obtenir la suspension de l'exécution de l'arrêté du 21 octobre 2005.
62.  Par une ordonnance du 13 décembre 2005, le tribunal administratif de Bordeaux rejeta le recours du requérant, estimant qu'« aucun des moyens invoqués par [le requérant] n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cet acte ».
63.  Le 5 janvier 2006, le requérant saisit le bureau d'aide juridictionnelle près le Conseil d'Etat aux fins de se pourvoir en cassation contre cette ordonnance. Sa demande d'aide juridictionnelle fut rejetée le 17 février 2006, au motif que le requérant ne développait, à l'appui de sa demande, aucun moyen sérieux susceptible de convaincre le juge de cassation.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
1.  Dispositions relatives aux arrêtés ordonnant ou reconduisant une mesure d'internement
64.  L'article L. 3213-4 du code de la santé publique se lit ainsi :
« Dans les trois jours précédant l'expiration du premier mois d'hospitalisation, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer, après avis motivé d'un psychiatre, le maintien de l'hospitalisation d'office pour une nouvelle durée de trois mois. Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l'Etat dans le département pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités.
Faute de décision du représentant de l'Etat à l'issue de chacun des délais prévus à l'alinéa précédent, la mainlevée de l'hospitalisation est acquise. »
65.  Par ailleurs, le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 9 novembre 2001, a précisé ce qui suit :
« (...) l'autorité administrative, lorsqu'elle prononce ou maintient l'hospitalisation forcée d'un aliéné, doit indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure ; (...) si elle peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant au certificat médical circonstancié qui doit être nécessairement établi avant la décision préfectorale, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre ce certificat à la décision (...) »
2.  Voies de recours
66.  Il existe en droit français une double compétence juridictionnelle en matière d'internement psychiatrique, fondée sur le principe de séparation des pouvoirs.
67.  C'est au seul juge judiciaire, gardien des libertés selon l'article 66 de la Constitution de 1958, qu'il appartient de se prononcer sur le bien-fondé d'un internement et, le cas échéant, de statuer sur la demande de sortie de la personne internée.
Pendant son hospitalisation forcée, la personne internée peut ainsi former à tout moment devant le président du tribunal de grande instance statuant « en la forme des référés », à savoir à juge unique et en urgence, une demande en sortie immédiate, en application de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, ainsi libellé :
« Une personne hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que ce soit, public ou privé, qui accueille des malades soignés pour troubles mentaux (...) [peut], à quelque époque que ce soit, se pourvoir par simple requête devant le président du tribunal de grande instance du lieu de la situation de l'établissement, qui, statuant en la forme des référés et après les vérifications nécessaires, ordonne, s'il y a lieu, la sortie immédiate (...) »
Dans la plupart des cas, dès sa saisine et avant de prendre une décision, le président ordonne une expertise psychiatrique, confiée à un ou des experts indépendants de l'établissement psychiatrique concerné, afin de donner un avis médical sur la demande de sortie, en leur fixant un délai, généralement bref, pour déposer leur rapport.
68.  Par ailleurs, seules les juridictions administratives sont compétentes pour statuer sur la régularité des décisions administratives d'internement et, le cas échéant, pour les annuler. Toutefois, leur compétence se limite à l'appréciation de la légalité dite externe de l'acte (compétence, motivation, formalités substantielles). Il en résulte que, quand bien même il annulerait l'acte sur le fondement duquel l'internement a été effectué, le juge administratif ne se reconnaît pas le pouvoir d'ordonner la sortie de l'intéressé sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, aux termes duquel « lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction [administrative], saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. »
69.  Jusqu'en 1997, chaque ordre de juridiction pouvait accorder réparation des éventuels préjudices dans sa sphère de compétence. Cependant, dans un arrêt du 17 février 1997 (Préfet de la région Ile‑de‑France, préfet de Paris, JCP. éd. G, 1997-II-22885), le Tribunal des conflits a modifié la répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions en confiant au seul juge civil l'ensemble du contentieux de la réparation (la juridiction administrative restant compétente pour apprécier la régularité des actes administratifs ordonnant l'internement). Le Tribunal des conflits a ainsi statué :
« (...) si l'autorité judiciaire est seule compétente (...) pour apprécier la nécessité d'une mesure de placement d'office en hôpital psychiatrique et les conséquences qui peuvent en résulter, il appartient à la juridiction administrative d'apprécier la régularité de la décision administrative qui ordonne le placement ; (...) lorsque cette dernière s'est prononcée sur ce point, l'autorité judiciaire est compétente pour statuer sur les conséquences dommageables de l'ensemble des irrégularités entachant la mesure de placement d'office (...) »
70.  Le code de justice administrative offre d'autres voies de recours. L'article L. 521-1-12 de ce code prévoit notamment l'existence d'un référé‑suspension :
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »
71.  Enfin, une loi du 30 juin 2000 (relative au référé devant les juridictions administratives), entrée en vigueur le 1er janvier 2001, a institué la possibilité de saisir le juge administratif d'un référé-liberté. La disposition pertinente, à savoir l'article L. 521-2 du code de justice administrative, se lit ainsi :
« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
EN DROIT
I.  SUR LA DEMANDE DU GOUVERNEMENT DE RAYER L'AFFAIRE DU RÔLE
72.  Par une lettre du 23 mars 2010, à laquelle était jointe une déclaration, le Gouvernement a demandé à la Cour, en vertu de l'article 37 § 1 c) de la Convention et de l'article 43 § 1 du règlement de la Cour, de rayer le restant de l'affaire du rôle, à savoir les griefs tirés des violations alléguées des articles 5 §§ 1 e) et 4 de la Convention, déclarés recevables par décision du 27 septembre 2007. La déclaration se lit comme suit :
« (...) le Gouvernement français offre de verser à M. Baudoin, à titre gracieux, la somme de 9 000 (neuf mille) euros au titre de la requête enregistrée sous le n35935/03.
Cette somme ne sera soumise à aucun impôt et sera versée sur le compte bancaire indiqué par le requérant dans les trois mois à compter de la date de l'arrêt de radiation rendu par la Cour sur le fondement de l'article 37 § 1 c) de la Convention. Le paiement vaudra règlement définitif de la cause.
Le Gouvernement reconnaît qu'en l'espèce, il y a eu violation des articles 5 § 1 et 5 § 4 de la Convention du fait que la privation de liberté du requérant, pour la période du 21 octobre au 9 novembre 2004, n'avait pas de base légale. »
73.  Par une lettre du 20 avril 2010, le requérant a fait savoir qu'il entendait maintenir sa requête et qu'il s'opposait fermement à la demande de radiation formulée par le Gouvernement.
74.  La Cour observe d'emblée que les parties ne sont pas parvenues à s'entendre sur les termes d'un règlement amiable de l'affaire. Elle rappelle qu'en vertu de l'article 38 § 2 de la Convention, les négociations menées dans le cadre de règlements amiables sont confidentielles. L'article 62 § 2 du règlement dispose en outre à cet égard qu'aucune communication orale ou écrite, ni aucune offre ou concession intervenues dans le cadre des ces négociations ne peuvent être mentionnées ou invoquées dans la procédure contentieuse.
75.  La Cour partira donc de la déclaration faite le 23 mars 2010 par le Gouvernement en dehors du cadre des négociations menées en vue de parvenir à un règlement amiable.
76.  La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 37 de la Convention, elle peut à tout moment de la procédure décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conduire à l'une des conclusions exposées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cette disposition. L'article 37 § 1 c) permet en particulier à la Cour de rayer une requête du rôle si :
« pour tout autre motif dont la Cour constate l'existence, il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête. »
L'article 37 § 1 in fine dispose :
« Toutefois, la Cour poursuit l'examen de la requête si le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles l'exige. »
77.  La Cour rappelle que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une affaire du rôle en vertu de l'article 37 § 1 c) de la Convention sur la base d'une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur, même si le requérant souhaite que l'examen de l'affaire se poursuive.
78.  La Cour souligne cependant qu'une telle procédure ne vise pas, en soi, à contourner l'opposition de la partie requérante à un règlement amiable. Ce seront en effet les circonstances particulières de la cause qui permettront de déterminer si la déclaration unilatérale offre une base suffisante pour que la Cour conclue que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention n'exige pas qu'elle poursuive l'examen de l'affaire.
79.  Parmi les facteurs à prendre en compte à cet égard figurent la nature des griefs formulés, le point de savoir si les questions soulevées sont analogues à celles déjà tranchées par la Cour dans des affaires précédentes, la nature et la portée des mesures éventuellement prises par le gouvernement défendeur dans le cadre de l'exécution des arrêts rendus par la Cour dans ces affaires, et l'incidence de ces mesures sur l'affaire à l'examen.
D'autres éléments ont leur importance. La déclaration unilatérale du gouvernement défendeur doit notamment renfermer, selon les griefs soulevés, un aveu de responsabilité en ce qui concerne les allégations de violations de la Convention ou, à tout le moins, une concession en ce sens. Dans cette hypothèse, il faut alors déterminer quelle est l'ampleur de ces concessions et les modalités du redressement qu'il entend fournir au requérant (voir, entre autres, Tahsin Acar c. Turquie [GC], no 26307/95, §§ 76-82, CEDH 2003-VI et aussi Prencipe c. Monaco, no 43376/06, §§ 57 à 62, 16 juillet 2009).
80.  En l'espèce, la Cour note d'abord que la demande de radiation du Gouvernement, ainsi que la déclaration jointe contenant une offre financière, concernent l'ensemble des griefs déclarés recevables par sa décision du 27 septembre 2007. Par conséquent, la Cour examinera l'opportunité de rayer le restant de la requête du rôle.
81.  Elle relève ensuite que si le grief tiré de la violation de l'article 5 § 1 de la Convention relatif à l'illégalité de l'hospitalisation forcée du requérant demeure circonscrit à la période comprise entre le 21 octobre 2004 et le 9 novembre 2004, tel n'est pas le cas du grief tiré de la violation de l'article 5 § 4 de la Convention. En effet, ce dernier soulève une problématique générale qui, sans se limiter à la période précitée, concerne avant tout l'effectivité des recours disponibles en droit français en matière d'hospitalisation d'office. Or, il s'agit d'une question de principe relative à la privation de liberté qui n'a pas encore été tranchée en tant que telle par la Cour dans des affaires précédentes.
82.  De plus, la Cour constate que la déclaration du Gouvernement français ne comporte qu'une simple mention de l'article 5 § 4 de la Convention, le texte se référant pour l'essentiel au grief tiré de l'article 5 § 1, à savoir à l'absence de base légale de la privation de liberté du requérant entre le 21 octobre 2004 et le 9 novembre 2004. Or, dans les circonstances de la cause, une formulation aussi simplifiée ne saurait constituer une forme de reconnaissance suffisamment explicite de violation du droit du requérant à disposer d'un recours effectif.
83.  Dans ces conditions, la Cour considère que la présente déclaration unilatérale ne constitue pas une base suffisante pour conclure que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention n'exige pas la poursuite de l'examen du restant de la requête.
84.  Partant, la Cour conclut au rejet de la demande du Gouvernement de rayer l'affaire du rôle au visa de l'article 37 § 1 in fine de la Convention, et estime nécessaire de poursuivre l'examen du fond des griefs tirés de la violation de l'article 5 §§ 1 et 4 de la Convention.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION
1.  Arguments des parties
85.  Le requérant allègue la violation de l'article 5 § 1 e) de la Convention, dont les passages pertinents se lisent ainsi :
« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivant et selon les voies légales :
(...)
e)  s'il s'agit de la détention régulière (...) d'un aliéné (...) »
86.  Le requérant soutient que son maintien sous un régime d'hospitalisation forcée a emporté violation de l'article 5 § 1 e). Il estime en effet être victime d'une détention arbitraire, qui n'est ni fondée en droit ni médicalement justifiée puisqu'un grand nombre des arrêtés ordonnant ou reconduisant son internement ont été annulés. Il estime que cela s'applique à une période comprise entre le 16 juillet 1998 et le 23 octobre 2006.
Il rappelle à cet égard qu'en application de l'article 5 de la Convention, les juridictions françaises considèrent que l'annulation de la décision administrative est suffisante à consacrer l'atteinte à la liberté individuelle, puisqu'un arrêté ainsi annulé est réputé n'avoir jamais été pris. Or, le requérant constate que l'annulation des décisions administratives le concernant, pourtant effective, n'a jamais entraîné sa libération.
87.  Le Gouvernement s'oppose à cette thèse. Il admet que la légalité de l'acte d'hospitalisation forcée du requérant pour la période du 21 octobre au 9 novembre 2004 a fait l'objet d'une annulation de la part du juge administratif pour manquement aux exigences jurisprudentielles sur la motivation des arrêtés préfectoraux d'hospitalisation d'office. Néanmoins, il expose que les juridictions judiciaires supérieures ont jugé, conformément au droit interne, que la mesure d'internement était justifiée.
Le Gouvernement explique que la Cour a estimé que, si la décision de placement en détention ne comporte pas une irrégularité grave et manifeste, les vices l'affectant peuvent être purgés par une juridiction d'appel interne dans le cadre d'une procédure de contrôle juridictionnel (Minjat c. Suisse, no 38223/97, 28 octobre 2003, repris par Mooren c. Allemagne, no 11364/03, 13 décembre 2007). Or, tel est le cas en l'espèce, selon le Gouvernement, puisque l'illégalité grave et manifeste au sens de la jurisprudence de la Cour n'est pas caractérisée. En effet, comme l'a constaté la cour d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 8 juillet 2005, c'est en parfaite conformité avec le droit interne que cette juridiction a considéré qu'elle ne pouvait faire droit à la demande de sortie du requérant en constatant l'absence de voie de fait et compte tenu de l'état de sa santé mentale. C'est donc légitimement et suivant l'avis d'experts ayant examiné le requérant que la cour d'appel a refusé la sortie immédiate de ce dernier.
De plus, se référant à la jurisprudence de la Cour, le Gouvernement soutient que la simple remise en cause de la légalité externe des arrêtés préfectoraux litigieux, pour irrégularité de forme, ne saurait suffire à caractériser une violation de l'article 5 § 1 de la Convention. Il renvoie notamment à l'arrêt Winterwerp c. Pays-Bas (24 octobre 1979, série A no 33), rappelant que la Cour avait considéré dans cette affaire qu'un retard de deux semaines entre l'expiration et le renouvellement d'une autorisation d'internement, c'est-à-dire une période pendant laquelle l'internement n'était pas fondé sur un titre, ne pouvait « en aucune manière passer pour déraisonnable ou excessif » (§ 49). Le Gouvernement ajoute, en tout état de cause, qu'au moment où le juge judiciaire a statué, un nouvel arrêté d'hospitalisation forcée, dont la légalité n'avait pas été contestée, avait été pris à l'encontre du requérant et conclut à la non-violation de l'article 5 § 1 de la Convention.
2.  Appréciation de la Cour
88.  La Cour souligne que dans sa décision sur la recevabilité de la présente affaire, elle a déclaré recevable le grief tiré de la violation alléguée de l'article 5 § 1 e) uniquement en tant qu'il se rapportait à l'hospitalisation forcée du requérant entre le 21 octobre 2004 et le 9 novembre 2004, période pour laquelle elle a relevé qu'aucun arrêté ne fondait l'internement du requérant. La question qu'elle doit examiner sous l'angle de cette disposition se limite donc à déterminer si le requérant a été privé de sa liberté « selon les voies légales » pendant ladite période.
89.  La Cour rappelle à cet égard que, pour respecter les exigences de l'article 5 § 1, une privation de liberté doit être « régulière » et effectuée « selon les voies légales ». En la matière, la Convention renvoie pour l'essentiel à la législation nationale et consacre l'obligation d'en respecter les normes de fond comme de procédure, mais elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l'article 5 : protéger l'individu contre l'arbitraire (voir, parmi beaucoup d'autres, Winterwerp, précité, § 39, et Todev c. Bulgarie, no 31036/02, § 26, 22 mai 2008).
90.  En l'espèce, la Cour ne peut que constater que, par un jugement du 21 octobre 2004, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé pour vice de forme l'arrêté du 17 mai 2004, qui fondait alors l'hospitalisation du requérant, tout en se déclarant incompétent pour ordonner la sortie immédiate de l'intéressé (paragraphe 20 ci-dessus). Il ressort du dossier que l'arrêté préfectoral suivant portant reconduction de la mesure d'hospitalisation n'a été pris que le 9 novembre 2004.
La Cour souligne également, comme l'indique le Gouvernement, que si le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2004 pour vice de forme, il s'agissait d'un manquement aux exigences posées par la jurisprudence du Conseil d'Etat quant à la motivation des arrêtés. Or, à n'en pas douter, l'obligation faite par le Conseil d'Etat à l'autorité administrative d'indiquer dans sa décision les éléments de droit ou de fait justifiant une mesure d'hospitalisation forcée ou son maintien, a pour objectif de renforcer la protection de l'individu contre l'arbitraire, ce qui est le but de l'article 5 de la Convention.
91.  La Cour observe donc qu'il y a eu une hospitalisation sans titre entre le 21 octobre 2004 et le 9 novembre 2004, comme l'admet d'ailleurs le Gouvernement. Or, la Cour constate qu'en droit français la base légale de toute mesure d'hospitalisation d'office est constituée par un arrêté préfectoral, qui doit être renouvelé à intervalles réguliers dans les conditions énoncées à l'article L. 3213-4 du code de la santé publique, et note que le Conseil d'Etat exerce un contrôle strict du respect des modalités formelles de cette disposition (paragraphe 65 ci-dessus). Elle en déduit que la discontinuité de la base légale de la mesure d'hospitalisation observée en l'espèce n'est pas conforme aux exigences posées par le droit français en la matière.
92.  A cet égard, la Cour n'est pas convaincue par l'argumentation du Gouvernement selon laquelle cette illégalité aurait été « purgée » par l'arrêt rendu le 8 juillet 2005 par la cour d'appel de Bordeaux. En admettant que l'on puisse se référer à la jurisprudence Mooren précitée dans le cas d'espèce, elle relève que la cour d'appel s'est fondée sur l'état de santé du requérant et sur l'existence de l'arrêté pris le 10 mars 2005, pour apprécier la situation au moment de statuer, conformément au droit interne, ce qui l'a conduite à refuser la demande de sortie immédiate du requérant. Cette juridiction s'est déclarée incompétente pour apprécier la régularité des arrêtés préfectoraux des 9 novembre 2004, 7 décembre 2004 et 10 mars 2005. Or, eu égard au partage de compétences entre les juridictions administratives et judiciaires françaises en la matière (voir aussi paragraphes 101 et suivants ci-dessous) respecté en l'espèce par la cour d'appel de Bordeaux, la Cour considère qu'il n'en demeure pas moins que, du 21 octobre 2004 au 9 novembre 2004, le requérant a fait l'objet d'une hospitalisation sans titre, contrairement au droit national pertinent.
93.  Enfin, les circonstances de la cause diffèrent de l'affaire Winterwerp c. Pays-Bas précitée, à laquelle se réfère le Gouvernement. En effet, dans cette affaire, le procureur compétent avait requis la prorogation de l'internement dans les délais requis par la loi néerlandaise applicable, qui en revanche ne précisait pas le délai dans lequel devait statuer le tribunal. Dans ces conditions, la Cour avait admis que le fait que la juridiction compétente ait statué sur le renouvellement de l'autorisation quelque deux semaines après son expiration – ce qui n'était pas contraire aux dispositions pertinentes du droit national – n'emportait pas violation de l'article 5 § 1 e).
94.  A la lumière des considérations qui précèdent, la Cour estime qu'en l'espèce la privation de liberté du requérant entre le 21 octobre 2004 et le 9 novembre 2004 n'a pas été effectuée « selon les voies légales ».
Partant, elle conclut de ce fait à la violation de l'article 5 § 1 e).
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION
95.  Invoquant l'article 5 § 4 de la Convention, le requérant dénonce une violation de son droit à disposer d'un recours effectif permettant qu'il soit statué sur la légalité de la mesure d'hospitalisation d'office dont il fait l'objet.
96.  Sous l'angle de la même disposition, le requérant soutient qu'il n'a été statué à « bref délai » sur aucun de ses recours, aussi bien devant les juridictions de l'ordre judiciaire que devant les juridictions administratives.
L'article 5 § 4 se lit ainsi :
« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
97.  La Cour rappelle que dans sa décision sur la recevabilité de la présente affaire, elle a joint au fond du grief tenant à l'effectivité des recours offerts au requérant par le droit français l'exception d'inapplicabilité de l'article 5 § 4 aux recours introduits par le requérant devant les juridictions de l'ordre administratif – y compris aux procédures de référé –, que le Gouvernement avait soulevée dans le cadre du grief relatif à la condition d'examen « à bref délai ».
98.  A cet égard, se fondant sur l'arrêt Delbec c. France (no 43125/98, § 30, 18 juin 2002), le Gouvernement soutient que la voie de recours ouverte devant le juge administratif en annulation de la décision administrative d'hospitalisation n'est pas pertinente aux fins de l'article 5 § 4. De la même manière, il soutient que les procédures introduites en référé, qu'il s'agisse d'un « référé-suspension » ou d'un « référé-liberté », ne constituent pas des recours pertinents au sens de l'article 5 § 4.
A.  Sur l'effectivité des recours dont le requérant a disposé en droit français
1.  Arguments des parties
99.  Le requérant fait valoir qu'il a été maintenu hospitalisé contre son gré pendant une très longue période, malgré l'annulation par les juridictions administratives des arrêtés préfectoraux fondant son internement. Il allègue que les compétences séparées des ordres juridictionnels administratif et judiciaire quant aux voies de recours offertes par le droit français aux personnes hospitalisées d'office compliquent l'introduction d'un recours pour ces personnes. Selon lui, l'article 5 § 4 imposerait l'existence d'un recours unique en la matière, permettant à toute personne internée d'obtenir une décision à la fois sur la légalité de sa détention et sur son éventuelle libération. Il allègue que les recours actuellement disponibles en droit français ne répondent pas aux exigences de cette disposition, dès lors qu'aucun de ces recours ne permet de faire contrôler à la fois le bien-fondé et la forme d'un arrêté d'hospitalisation d'office et, le cas échéant, d'obtenir la sortie immédiate de la personne hospitalisée. La France serait l'un des seuls pays européens dans cette situation.
100.  Le Gouvernement rappelle d'abord les principes régissant, en droit français, la double compétence juridictionnelle en matière d'hospitalisation d'office. Il existe en effet un recours devant le juge judiciaire pour évaluer le bien-fondé de la mesure d'internement et accorder réparation en cas d'internement injustifié et un recours devant le juge administratif pour apprécier la régularité externe des décisions administratives d'internement et réparer les éventuelles fautes de l'administration. Le Gouvernement soutient que cette dualité ne saurait passer pour contraire au principe de l'existence en droit français d'un recours effectif au sens de l'article 5 § 4 permettant de contester la légalité d'une mesure d'internement, ce que la Cour aurait d'ailleurs déjà reconnu dans sa jurisprudence, notamment dans l'arrêt Delbec c. France (précité). De plus, le Gouvernement fait valoir qu'eu égard à l'exigence de célérité posée par cette disposition, l'examen de la légalité formelle de l'acte fondant la détention peut être moins approfondi, afin de garantir la célérité du contrôle et, partant, de l'éventuelle décision de remise en liberté par le juge judiciaire.
Au regard des faits de l'espèce, le Gouvernement considère que le requérant a bénéficié d'un contrôle de qualité satisfaisant aux exigences de la jurisprudence de la Cour. En effet, le contrôle exercé par le juge administratif a été probant puisqu'il a permis de déceler l'irrégularité externe de certains arrêtés d'hospitalisation. En toute hypothèse, le contrôle exercé par le juge civil devrait suffire, à lui seul, à satisfaire les exigences de la Cour en matière de contrôle juridictionnel. En effet, le recours au juge judiciaire, prévu aujourd'hui à l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, permet la remise en liberté immédiate de la personne hospitalisée. Mais ce juge a également la possibilité de vérifier que l'acte administratif critiqué ne constitue pas une voie de fait. Certes, en l'espèce, le juge judiciaire a exercé un contrôle sur la nécessité de l'hospitalisation du requérant comme la loi le prévoit, pour y répondre in fine par l'affirmative. Mais il a aussi, pour écarter la voie de fait, porté une appréciation sur la légalité externe des arrêtés préfectoraux, comme le montre l'arrêt rendu le 8 juillet 2005 par la cour d'appel de Bordeaux.
Le Gouvernement observe enfin que l'annulation des arrêtés litigieux est due uniquement à un revirement de la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui a durci les exigences formelles quant à la motivation des arrêtés d'hospitalisation d'office. Au moment où ceux-ci ont été pris, ils étaient en réalité tout à fait valables au regard de la jurisprudence alors applicable.
2.  Appréciation de la Cour
101.  La Cour rappelle qu'en garantissant un recours aux personnes arrêtées ou détenues l'article 5 § 4 consacre aussi le droit pour celles-ci d'obtenir, dans un bref délai à compter de l'introduction du recours, une décision judiciaire concernant la régularité de leur détention et mettant fin à la privation de leur liberté si elle se révèle illégale (voir, parmi d'autres, Van der Leer c. Pays-Bas, 21 février 1990, § 35, série A no 170‑A, et Musiał c. Pologne [GC], no 24557/94, § 43, CEDH 1999‑II). Dans le cas précis de l'internement des aliénés, la Cour a jugé qu'outre le contrôle de la décision privative de liberté il doit toujours y avoir place pour un contrôle ultérieur, à exercer à des intervalles raisonnables, car les motifs qui justifiaient à l'origine la détention peuvent cesser d'exister (Luberti c. Italie, 23 février 1984, § 31, série A no 75). En outre, le contrôle requis par l'article 5 § 4 doit être assez ample pour s'étendre à chacune des conditions indispensables à la régularité de la détention d'une personne, en l'occurrence pour aliénation mentale (voir, parmi d'autres, Ashingdane c. Royaume-Uni, 28 mai 1985, § 52, série A no 93, E. c. Norvège, 29 août 1990, § 50, série A no 181‑A, et Hutchison Reid c. Royaume-Uni, no 50272/99, § 64, CEDH 2003‑IV).
102.  La Cour constate qu'il s'agit en l'espèce de déterminer si le requérant a disposé d'un recours effectif lui permettant d'obtenir la mainlevée de la mesure d'hospitalisation d'office dont il faisait l'objet, alors que l'irrégularité formelle de l'acte fondant son internement était avérée. Elle estime qu'il lui faut à cette fin examiner l'ensemble des voies de recours exercées par le requérant.
103.  Tout d'abord, quant aux mécanismes de référé dont a usé l'intéressé, la Cour observe que ni le référé-suspension prévu par l'article L. 521-1-12 du code de justice administrative, qui doit être suivi d'un recours en annulation de l'arrêté contesté, ni le mécanisme de référé‑liberté mis en place par la loi du 30 juin 2000 (paragraphe 71 ci‑dessus), qui permet uniquement au juge de contrôler l'illégalité manifeste d'un acte de l'autorité administrative, ne peuvent donner lieu à un examen au fond de la légalité d'une décision d'internement. Dès lors, elle considère que ces recours ne tombent pas sous l'empire de l'article 5 § 4.
104.  Quant aux recours en annulation, la Cour rappelle que, dans l'affaire Delbec (précitée), où la requérante avait saisi tant les tribunaux administratifs que les juridictions judiciaires, elle a relevé que le recours en annulation pouvant être introduit devant les juridictions administratives afin de contester la légalité externe d'une mesure d'internement ne permettait pas aux internés d'obtenir la sortie immédiate de l'établissement hospitalier. Aussi a-t-elle conclu dans cette affaire que la voie de recours administrative n'était pas « un recours pertinent sous l'angle de l'article 5 § 4 » étant donné qu'il ne donnait pas au demandeur la possibilité d'être mis en liberté dans le cas où sa privation de liberté était déclarée illégale (Delbec, précité, § 30). En conséquence, elle a examiné uniquement si la procédure judiciaire relative à la demande de sortie immédiate était ou non conforme à l'article 5 § 4, pour finalement conclure à la violation de cette disposition en raison du non-respect de la condition du « bref délai ».
105.  La Cour observe d'emblée que rien dans la présente affaire ne peut l'amener à s'écarter de la conclusion à laquelle elle était parvenue dans l'affaire Delbec. Elle relève en effet que les juges administratifs ont opposé à plusieurs reprises au requérant leur incompétence s'agissant d'ordonner sa sortie immédiate, alors même qu'ils venaient de constater l'illégalité de l'arrêté fondant l'internement de l'intéressé (voir, notamment, la motivation du jugement rendu le 21 octobre 2004 par le tribunal administratif de Bordeaux – paragraphe 20 ci-dessus – annulant l'arrêté préfectoral du 17 mai 2004). La Cour remarque à cet égard que cette situation découle logiquement du partage de compétences opéré par le Tribunal des conflits dans son arrêt du 17 février 1997 (paragraphe 69 ci-dessus), selon lequel lorsque la juridiction administrative s'est prononcée sur la régularité de l'arrêté d'internement, c'est l'autorité judiciaire qui est compétente pour statuer sur les conséquences dommageables de l'ensemble des irrégularités entachant la mesure d'hospitalisation d'office.
106.  Quant à la voie judiciaire ouverte aux personnes internées pour faire statuer sur leurs demandes de sortie immédiate, la Cour constate qu'en l'espèce le requérant a usé de cette possibilité. Elle relève que les juridictions judiciaires saisies se sont attachées à déterminer si l'hospitalisation d'office du requérant était justifiée par son état de santé, et n'ont abordé la question de la légalité externe des arrêtés d'hospitalisation que pour constater la compétence des juges administratifs en la matière. Ainsi, dans son arrêt du 8 juillet 2005, la cour d'appel de Bordeaux a annulé le jugement rendu précédemment par le juge des libertés et de la détention ordonnant la sortie immédiate du requérant au motif notamment que « l'appréciation du moyen tiré de l'irrégularité des arrêtés préfectoraux des 9 novembre 2004, 7 décembre 2004 (...) et 10 mars 2005 (...) n'est pas de la compétence du juge civil mais de celle du juge administratif » (paragraphe 40 ci-dessus). En conclusion, la cour d'appel a relevé qu'aucune voie de fait ne pouvait être retenue, et qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la sortie immédiate du requérant.
107.  Pour la Cour, il ressort donc des faits de l'espèce que le juge judiciaire n'est pas habilité à examiner les conditions de validité formelle des arrêtés litigieux.
108.  Certes, la Cour relève, avec le Gouvernement, la complémentarité des recours existants pouvant permettre de contrôler l'ensemble des éléments de la légalité d'un acte, puis aboutir à la libération de la personne internée. Toutefois, dans la présente affaire, la Cour ne peut que constater que les actes successifs fondant la privation de liberté du requérant ont été annulés par les juges administratifs, sans que jamais l'intéressé n'obtienne une décision des tribunaux judiciaires mettant fin à la mesure d'hospitalisation. Dès lors, la Cour parvient à la conclusion que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, l'articulation entre la compétence du juge judiciaire et celle du juge administratif quant aux voies de recours offertes n'a pas permis au requérant d'obtenir une décision d'un tribunal pouvant statuer « sur la légalité de sa détention et ordonner sa libération si la détention est illégale ».
109.  Eu égard à ce qui précède, la Cour estime qu'il y a lieu d'accueillir l'exception soulevée par le Gouvernement quant à l'inapplicabilité de l'article 5 § 4 aux procédures introduites par le requérant devant les juridictions de l'ordre administratif (recours en annulation et procédures de référé). Elle constate en outre que le requérant n'a disposé d'aucun recours effectif qui lui aurait permis d'obtenir une décision judiciaire constatant l'irrégularité de l'acte fondant son internement et mettant fin, par voie de conséquence, à sa privation de liberté irrégulière.
110.  Partant, elle conclut à la violation de l'article 5 § 4.
B.  Quant à la durée d'examen « à bref délai » des différents recours introduits par le requérant
111.  Eu égard à ses conclusions exposées au paragraphe 96 ci-dessus, la Cour estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner si les recours introduits par le requérant devant les juridictions de l'ordre administratif ont satisfait ou non à la condition d'examen à bref délai posée par l'article 5 § 4, étant donné qu'elle a conclu que ces recours ne relevaient pas de cette disposition. A titre incident, elle relève cependant des retards importants notamment dans l'examen des recours en annulation, les juridictions administratives ayant à chaque fois mis plusieurs mois, voire plusieurs années, pour statuer sur la légalité externe des arrêtés ordonnant ou reconduisant la mesure d'hospitalisation. Cela dit, comme dans l'affaire Delbec, elle limitera son examen ci-dessous aux procédures judiciaires engagées par le requérant.
1.  Arguments des parties
a)  Le requérant
112.  Le requérant allègue qu'aucun des recours dont il a saisi les juridictions de l'ordre judiciaire n'a satisfait à l'exigence du « bref délai » posé par l'article 5 § 4. Par ailleurs, il estime que le juge judiciaire aurait dû ordonner immédiatement la sortie de la personne internée dès lors que le juge administratif avait annulé un acte fondant l'internement. Or, selon lui, il n'a jamais obtenu « à bref délai » une décision sur la légalité formelle de sa détention de nature à aboutir à sa libération.
b)  Le Gouvernement
113.  Quant aux procédures dont le requérant a saisi les juridictions judiciaires, le Gouvernement soutient tout d'abord que les exigences de l'article 5 § 4 sont satisfaites dès lors qu'un tribunal de première instance statue « à bref délai » sur le bien-fondé de la privation de liberté.
Il estime donc que la procédure introduite le 28 juillet 1998 s'est terminée le 20 janvier 1999, date à laquelle le juge de première instance a rejeté la demande. Ce délai serait essentiellement dû au dépôt tardif de leurs conclusions par les experts désignés. Le Gouvernement précise également que le requérant, après avoir dans un premier temps interjeté appel de l'ordonnance de désignation des experts, s'est désisté de ce recours, ce qui aurait contribué à ralentir la désignation des experts. Le Gouvernement s'en remet en tout état de cause à la sagesse de la Cour pour juger de la conformité de cette procédure à l'exigence du « bref délai » prévu à l'article 5 § 4 de la Convention.
A titre surabondant, le Gouvernement indique que la procédure devant la cour d'appel de Bordeaux a commencé le 4 février 1999, date à laquelle le requérant a interjeté appel de l'ordonnance du 20 janvier 1999, et s'est achevée le 30 mai 2002, jour où la cour d'appel a rendu son arrêt confirmant l'ordonnance attaquée. Il estime qu'il importe de souligner la complexité de l'affaire et en particulier l'attitude du requérant, lequel a sollicité la désignation d'un nouveau collège d'experts et a adressé aux autorités judiciaires de graves lettres de menaces. Le Gouvernement conclut au défaut manifeste de fondement de ce grief.
114.  Quant à la procédure introduite le 2 juin 2004, le Gouvernement reconnaît que la durée d'examen de ce recours en première instance n'a pas répondu aux exigences de l'article 5 § 4. En revanche, il souligne que la cour d'appel de Bordeaux s'est prononcée en sept jours sur l'appel introduit par le ministère public contre l'ordonnance rendue le 30 juin 2005. Le Gouvernement estime que cette durée est conforme aux exigences de l'article 5 § 4.
115.  Concernant la procédure introduite le 19 octobre 2005, le Gouvernement soutient que l'examen du recours du requérant, qui a pris sept jours, respecte les exigences de l'article 5 § 4. Quant à la procédure d'appel, dont le Gouvernement estime qu'elle a duré trois mois et vingt‑quatre jours, il souligne que l'affaire a été appelée une première fois à l'audience avant d'être renvoyée à la demande du requérant. Le Gouvernement conclut au défaut manifeste de fondement sur ce point.
2.  Appréciation de la Cour
116.  La Cour a souligné à de multiples reprises que le souci dominant que traduit l'article 5 § 4 est bien celui d'une certaine célérité (voir, notamment, Filip c. Roumanie, no 41124/02, § 79, 14 décembre 2006), et que l'Etat avait l'obligation de faire en sorte que les procédures mettant en jeu la liberté d'un individu se déroulent en un minimum de temps (Mayzit c. Russie, no 63378/00, § 49, 20 janvier 2005). Pour arriver à une conclusion définitive, il y a lieu de prendre en compte les circonstances de l'affaire et notamment le délai à l'issue duquel une décision a été rendue par les autorités judiciaires (E. c. Norvège, précité, § 64, et Delbec, précité, § 33)
117.  Quant aux recours dont le requérant a saisi les juridictions judiciaires, la Cour a réitéré dans sa décision sur la recevabilité de la présente cause que la règle du « bref délai » valait non seulement devant le juge de première instance mais s'étendait également aux stades ultérieurs de la procédure, et que, pour contrôler l'observation de cette règle, il fallait se livrer à une appréciation globale lorsque la procédure s'est déroulée devant deux degrés de juridiction (voir, par exemple, Navarra c. France, 23 novembre 1993, § 28, série A no 273‑B, avec la jurisprudence y citée).
118.  Concernant les trois procédures judiciaires pertinentes décrites aux paragraphes 26-45 ci-dessus, il suffit à la Cour de relever que la procédure la plus courte (celle introduite le 19 octobre 2005, paragraphes 42-44 ci‑dessus) a duré plus de quatre mois, du 19 octobre 2005 au 20 février 2006. Elle considère en outre que les délais litigieux sont imputables aux autorités, étant donné que rien ne permet de penser que le requérant, après avoir introduit ces recours, ait d'une manière quelconque retardé leur examen (voir, mutatis mutandis, Mayzit, précité, § 52). Compte tenu de sa jurisprudence concernant la détention des aliénés, dans laquelle des durées de huit semaines posent problème (voir, notamment, E. c. Norvège, précité, §§ 63 et suiv.), elle juge ces retards excessifs.
119.  Dès lors, la Cour estime qu'aucune des procédures judiciaires introduites par le requérant n'a respecté l'obligation d'examen à « bref délai ».
120.  Partant, elle conclut également à la violation de l'article 5 § 4 de ce chef.
III.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
121.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
122.  Le requérant sollicite une somme forfaitaire de 3 260 000 EUR en réparation du préjudice moral qu'il a subi.
123.  Le Gouvernement considère que cette demande est excessive et propose d'octroyer au requérant 4 500 EUR.
124.  La Cour considère que le requérant a subi un tort moral certain. Eu égard aux circonstances de la cause et statuant sur une base équitable comme le veut l'article 41 de la Convention, elle décide de lui octroyer 20 000 EUR de ce chef.
B.  Frais et dépens
125.  Le requérant, qui indique avoir bénéficié de l'aide juridictionnelle pour l'ensemble des recours exercés devant les juridictions françaises, demande 1 000 EUR pour le remboursement de ces frais et dépens, cette somme correspondant aux frais de constitution de dossier et de courrier. Il ne fournit pas de justificatif à l'appui de sa demande.
Quant aux frais et dépens exposés devant la Cour, il se réfère à une facture fournie par son ancien représentant, figurant au dossier, d'un montant de 8 000 EUR, dont il demande le remboursement.
126.  Le Gouvernement estime que, sur production des justificatifs correspondants, la somme de 500 EUR serait raisonnable pour couvrir les frais engagés devant la Cour.
127.  La Cour rappelle que lorsqu'elle constate une violation de la Convention, elle peut accorder au requérant le paiement des frais et dépens qu'il a engagés devant les juridictions nationales pour prévenir ou faire corriger par celles-ci ladite violation (voir, par exemple, Zimmermann et Steiner c. Suisse, 13 juillet 1983, § 36, série A no 66, et Lallement c. France, no 46044/99, § 34, 11 avril 2002) en sus de ceux exposés devant elle. Selon sa jurisprudence, un requérant ne peut cependant obtenir un remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En outre, aux termes de l'article 60 §§ 2 et 3 du règlement, le requérant doit soumettre des prétentions chiffrées et ventilées par rubriques et accompagnées des justificatifs pertinents, faute de quoi la chambre peut rejeter tout ou partie de celles-ci. En revanche, la Cour ne saurait prendre en compte les honoraires et frais afférents à un grief déclaré irrecevable (voir, par exemple, Mats Jacobsson c. Suède, 28 juin 1990, § 46, série A no 180‑A).
128.  En revanche, la Cour relève que le requérant ne fournit aucun justificatif quant aux frais et dépens relatifs à la procédure interne, dans le cadre de laquelle il a d'ailleurs bénéficié de l'aide juridictionnelle. En l'espèce, la Cour estime que les prétentions formulées au titre des frais et dépens en ce qui concerne la procédure devant elle sont correctement étayées. En effet, la facture présentée par l'ancien représentant du requérant, qui avait été dûment versée au dossier, est détaillée et précise les montants demandés en fonction des actes accomplis. De plus, la Cour rappelle que plusieurs griefs ont été déclarés irrecevables.
129.  Dans ces conditions, et statuant en équité, la Cour alloue au requérant la somme de 3 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû au titre d'impôt ou de taxe sur cette somme.
C.  Intérêts moratoires
130.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 1 e) de la Convention, en ce que sa privation de liberté entre le 21 octobre 2004 et le 9 novembre 2004 n'a pas été effectuée « selon les voies légales » ;

2.  Dit que les recours introduits par le requérant devant les juridictions administratives ne sont pas pertinents aux fins de l'article 5 § 4 de la Convention et accueille l'exception d'irrecevabilité présentée par le Gouvernement à cet égard ;

3.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 4 de la Convention, en ce que le requérant n'a pas disposé d'un recours effectif lui permettant d'obtenir une décision constatant l'irrégularité formelle de son internement et mettant fin de ce fait à sa privation de liberté irrégulière ;

4.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 4 de la Convention, en ce que le requérant n'a pas pu faire statuer à bref délai sur la légalité de son internement ;

5.  Dit
a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes :
i.  20 000 EUR (vingt mille euros) plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ;
ii.  3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par le requérant, pour frais et dépens ;
b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 novembre 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
         Stephen Phillips                                                               Peer Lorenzen
         Greffier adjoint                                                                    Président
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